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NIHON SHOKI (720)

Rédigée en langue chinoise, la Chronique du Japon (Nihon shoki, 720) comprend trente livres. Les deux premiers concernent les temps mythiques de la création du monde et des îles, ainsi que la naissance des dieux. Comme dans le Kojiki, il s'y mêle à la tradition de la maison impériale, dite du Yamato, des éléments d'une tradition divergente, celle de la province d'Izumo, les deux étant conciliées par des liens de parenté entre les divinités ancestrales. Comme dans le Kojiki encore, l'histoire mythique s'achève avec la naissance de Jimmu-tennō, le premier souverain humain, descendant du Soleil. À la différence du Kojiki, par contre, le Nihon shoki présente parfois des variantes d'un même épisode, précédées de la mention « dans un livre il est dit... », ce qui laisse supposer que les auteurs avaient été en mesure de comparer plusieurs documents rédigés antérieurement, mais qui ont tous disparu depuis. L'influence chinoise est indéniable dans la composition comme dans le style, ce qui donne à penser que des scribes d'origine continentale durent participer à la rédaction. À partir du livre III, la matière, d'abord largement mythique encore, puis prenant un tour de plus en plus historique, est classée par règne et par année. La présentation en est très proche de celle des chroniques chinoises, du Livre des Han en particulier. À partir du livre XVII sont évoquées les relations avec la Corée, dans des passages qui pourraient avoir été empruntés à des chroniques coréennes aujourd'hui disparues. À noter aussi, au livre XIX, un récit circonstancié de l'introduction du bouddhisme sous l'empereur Kimmei, épisode que le Kojiki, qui ignore totalement le bouddhisme, passe sous silence.

On peut se demander quelles étaient les raisons qui avaient amené le gouvernement de Nara à faire rédiger, quelques années seulement après le Kojiki (achevé en 711), une seconde chronique relatant à peu de choses près les mêmes faits, du moins dans les premiers livres. La réponse est très certainement politique : si le Kojikiest avant tout une collation des traditions proprement nationales, de celles en particulier qui établissent la légitimité de droit divin de la dynastie, le Nihon shoki, qui donne une place importante aux relations avec le continent, semble destiné à donner à l'État japonais une dimension internationale, par l'établissement d'une histoire sur le modèle chinois. Les souverains du Yamato revendiquaient en effet le titre d'empereur de l'Est, qui les plaçait sur un pied d'égalité avec les empereurs de Chine et, par là même, ils récusaient, à un moment où les échanges avec le puissant empire des Tang allaient devenir particulièrement actifs, la prétention de ceux-ci à les traiter en vassaux, comme ils le faisaient de tous les « barbares » voisins de l'Empire du Milieu.

— René SIEFFERT

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  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

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