NIKKŌ
Située à l’ouest du département de Tochigi, à une centaine de kilomètres au nord de Tōkyō, Nikkō doit son développement et sa notoriété à la présence d’un vaste complexe religieux, ainsi qu’aux mausolées des shōgun Tokugawa. Inclus dans la zone des volcans Nasu, le site est remarquable et a très vite retenu l’attention de moines bouddhistes en quête d’ascèse : relief découpé, montagne profonde, lac structural et chute d’eau au pied du mont Nantai (2 486 m). Le toponyme Nikkō (« lumière du Soleil ») est une lecture chinoise pour le temple Futarasan, un toponyme lui-même adapté d’une appellation d’origine aïnou, ce qui est courant pour les régions situées au nord de Tōkyō. L’histoire proprement japonaise du site débute à la fin du viiie siècle, avec l’installation de communautés bouddhistes menées par le moine Shōdō Shōnin (735-817). Celui-ci pratique le syncrétisme avec le shintō local et fonde des temples qui sont aussi des sanctuaires. Les pérégrinations de Shōdō dans les profondeurs montagneuses de la région intègrent sommets, sources chaudes, lacs et cascades dans la sanctification du site. Un bourg se développe à partir des édifices religieux, qui s’agrandissent au fur et à mesure que le site gagne en popularité, comme le Rinnō-ji. Nikkō attire bonzes, pèlerins, artisans et devient progressivement une vraie monzenmachi, ces villes qui procèdent d’une installation religieuse. Le long de l’artère principale, qui part de l’entrée du temple ou du sanctuaire, des gîtes, des établissements de restauration ou de produits locaux se développent à destination des pèlerins.
Au xviie siècle, Nikkō est un des grands complexes religieux du nord-est du Japon. Le choix des shōgun Tokugawa d’en faire leur mausolée renforce encore le poids de la cité. On construit un nouveau sanctuaire à cet effet en 1617, le Tōshōgū. Une grande restauration des édifices anciens a lieu en 1636. Le choix d’installer les tombeaux des shōgun à Nikkō tient aussi des règles de la géomancie chinoise : à l’instar des tombes impériales du continent, par leur présence, les défunts protègent les villes des influences néfastes en provenance du nord. C’est exactement la position de Nikkō face à Edo, capitale des shōgun fondée en 1603. Reliée à la capitale par une route directe, bénéficiant de l’augmentation du nombre de pèlerins et de voyageurs lors de la période Tokugawa, la ville connaît un nouvel essor. Elle devient le centre principal de la région et est naturellement choisie en 1868 pour devenir le chef-lieu de la nouvelle préfecture du même nom.
Au début du xxe siècle, et parallèlement à sa fonction religieuse qui perdure, Nikkō connaît un développement industriel. Une centrale hydroélectrique est mise en service en 1905 avec des installations sidérurgiques et de transformation du cuivre. Ces activités périclitent cependant rapidement après la Seconde Guerre mondiale, au profit des nouvelles industries qui s’installent sur les littoraux. La ville commence à perdre des habitants en 1955, alors que le chef-lieu du département a été déplacé à Utsunomiya, dans la plaine.
En revanche, le patrimoine historique sert d’assise à diverses activités touristiques. Dès 1934, le site est protégé par le statut de parc national, et Nikkō devient une ville de villégiature. À côté des établissements de bains autour des sources chaudes, un tourisme plus huppé se développe à destination des populations aisées de Tōkyō : hôtels de luxe, cours de tennis, clubs hippiques, etc. Certaines chancelleries, notamment italienne et française, y entretiennent des maisons d’été, une tradition inaugurée dès la fin du xixe siècle. Le complexe religieux formé par les temples et les sanctuaires Futarasan, Rinnō et Tōshōgū est enregistré au Patrimoine mondial de l’humanité en 1999.
La région a été[...]
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Écrit par
- Rémi SCOCCIMARRO : docteur en géographie, maître de conférences en langues et civilisations étrangères
Classification
Médias
Autres références
-
GONGEN STYLE
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 296 mots
L'expression gongen-zukuri ou style gongen désigne au Japon un certain type de sanctuaire shintoïque, réservé au culte des héros divinisés. Le terme gongen est emprunté au vocabulaire du Ryōbu-shintō qui fait des divinités shintoïques des avatars du Bouddha. Placés sur le même axe, le...