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LUHMANN NIKLAS (1927-1998)

Niklas Luhmann est l'auteur d'une œuvre immense, qui en fait le sociologue le plus fécond, le plus original et le plus influent de l'Allemagne contemporaine. Elle comprend une quarantaine d'ouvrages et plus de trois cents articles qui couvrent tous les champs de la théorie sociologique. Alors que dans le monde anglo-saxon la diffusion de la pensée de Luhmann est largement engagée, elle commence à peine en France où un seul ouvrage et une dizaine d'articles avaient été traduits à la mort de leur auteur.

L'ampleur de cette œuvre et sa sobriété sont solidaires d'un parcours biographique sans fracas. Luhmann, juriste de formation, débute dans l'administration où il fait carrière jusqu'à l'âge de trente-cinq ans ; il quitte alors le secteur administratif pour la recherche. Promu docteur et habilité la même année (1966) par Helmut Schelsky, Luhmann est de 1968 à 1993, date de son accession à l'éméritat, professeur de sociologie à l'université de Bielefeld.

Ses premiers travaux (1958-1968) sont consacrés à la science de l'administration et de l'organisation. Ce sont des contributions d'une grande rigueur scientifique qui culminent avec Fonctions et conséquences de l'organisation formelle (1964), ouvrage appelé à devenir un classique de la théorie des organisations en Allemagne. Dans le prolongement de ces travaux se situe entre 1968 et 1971 une abondante production relevant de la sociologie du droit. Les Droits fondamentaux comme institution est une brillante interprétation de la Loi fondamentale allemande qui renverse les perspectives axiologistes de la dogmatique constitutionnaliste courante ; Sociologie du droit (1971) constitue une synthèse systémiste de la discipline. À la même époque commence la publication des recueils d'études intitulés Lumières sociologiques – dont le sixième et dernier paraît en 1995 –, qui fixeront le style luhmannien comme celui d'une « superthéorie » qui, en réfléchissant le « design théorique » des concepts fondamentaux, se réfléchit en elle-même. En 1971 paraît l'ouvrage à deux voix (Théorie de la société ou technologie sociale) où s'affrontent, dans un échange serré et passionnant, Niklas Luhmann et Jürgen Habermas – perçus depuis lors en Allemagne comme les représentants de deux grandes alternatives théoriques.

Dans cet itinéraire intellectuel, les années 1970 sont celles d'un approfondissement de la théorie systémiste avec Le Concept de fin et la rationalité systémique (1973), ainsi que d'une diversification, au-delà du droit et de la politique des domaines d'investigation : Fonction de la religion (1977) et Problèmes réflexifs du système éducatif (en collaboration, 1979) annoncent le programme d'une sociologie des sous-systèmes sociaux qui sera celui de la maturité. Les années 1980 voient apparaître, parallèlement à une reprise de la production en sociologie du droit illustrée par Différenciation du droit (1980), un nouveau centre d'intérêt qui est celui de la « sémantique historique ». Au fil de quatre recueils intitulés Structure sociale et sémantique parus entre 1980 et 1995, et auxquels il faut ajouter L'Amour comme passion (1982), Luhmann précise sa vision d'un évolutionnisme sociologique associant transformations structurelles et changements sémantiques. C'est en 1984 que paraît la somme de sociologie théorique Soziale Systeme (Systèmes sociaux), œuvre centrale où Luhmann tente une formulation globale et durable de l'ensemble de ses intuitions fondamentales. La dernière décennie (1988-1998) est consacrée à la réalisation d'une sociologie des différents sous-systèmes sociaux. D'amples monographies paraissent successivement : L'Économie de la société (1988), La Science de la société (1990), Le Droit de la société[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, chargé de recherche au C.N.R.S.

Classification

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