MANUEL DEUTSCH NIKLAUS (1484-1530)
Peintre et dessinateur suisse, de son vrai nom Niklaus Aleman (Manuel était le prénom de son père, Deutsch la forme germanique d'Aleman). Marié en 1509 à la fille d'un capitaine bernois, membre du petit conseil de la ville, il entre lui-même au grand conseil l'année suivante et exerce tour à tour différentes fonctions militaires et diplomatiques, avant d'être élu membre du petit conseil en 1528. En 1523, il reçoit la charge de bailli d'Erlach qu'avait exercée son beau-père et ferme son atelier de peinture. Il s'adonne alors à la poésie et à l'art dramatique, activités placées au service de la Réforme qui triomphe à Berne en 1528. Ses premiers dessins connus sont des projets de vitraux, ce qui fait supposer qu'il se serait d'abord formé chez un maître verrier ; ses premières peintures connues, deux panneaux d'un retable perdu (Saint Luc peignant la Vierge, au revers la Naissance de la Vierge, musée des Beaux-Arts, Berne ; Saint Éloi dans son atelier, au revers la Rencontre à la porte Dorée, coll. Reinhardt, Winterthur), datés de 1515, attestent l'influence du peintre Hans Fries. Toutefois, des éléments nouveaux apparaissent dans son œuvre ; ils concernent moins un répertoire de formes architecturales et décoratives empruntées à l'Italie (plus précisément à l'Italie du Nord et d'un esprit très éloigné du purisme florentin) qu'ils ne traduisent une liberté d'allure, une fantaisie jaillissante qui contrastent avec la manière un peu compassée, trop raide, des peintres allemands du xve siècle et révèlent ainsi l'exact contemporain d'Altdorfer. Cette liberté se manifeste aussi bien dans la façon de traiter les éléments décoratifs empruntés à l'Italie que dans celle d'aborder les sujets les plus traditionnels. La peinture de Manuel Deutsch est avant tout religieuse (volets d'un Retable de saint Antoine, fondation Gottfried Keller, Berne ; Martyre des Dix Mille, ibid. ; Décollation de saint Jean-Baptiste, musée de Bâle) ; il aborde parfois la mythologie, celle-ci transmise par les romans du Moyen Âge plutôt que par l'érudition humaniste (Pyrame et Thisbé, le Jugement de Pâris, grandes toiles peintes à la détrempe, musée des Beaux-Arts, Bâle) ; d'autres sujets apparaissent dans les dessins : scènes de mœurs, lansquenets, scènes de guerre, moine supplicié par des paysans, personnages (surtout des jeunes filles) aux prises avec la Mort. Aucun de ces sujets n'était vraiment nouveau, mais Niklaus Manuel Deutsch les traite avec une verve et une verdeur, un sensualisme et une violence qui confèrent à son œuvre une saveur tout à fait particulière et qui n'est pas sans évoquer l'art de son compatriote Urs Graf.
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Écrit par
- Pierre VAISSE : professeur d'histoire de l'art à l'université de Genève
Classification
Autres références
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MANIÉRISME
- Écrit par Sylvie BÉGUIN et Marie-Alice DEBOUT
- 10 161 mots
- 34 médias
...maniérisme, mais le canon de ses nus et leur angularité relèvent de la tradition gothique tardive que l'artiste prolonge jusqu'au milieu du xvie siècle. En Suisse, le peintre réformé Nikolaus Manuel Deutsch, auteur de compositions moralisantes, est proche du style de Cranach. Chez ces deux artistes, le...