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TINBERGEN NIKOLAAS (1907-1988)

Le théoricien de l'instinct

La collaboration de Tinbergen et Lorenz est interrompue brutalement et définitivement par la Seconde Guerre mondiale. Tinbergen est interné durant deux ans dans un camp allemand d'où Konrad Lorenz et Otto Köhler ne réussiront jamais à le faire sortir. Malgré les événements, leur amitié durera jusqu'à la fin de leur vie, mais ils n'expérimenteront plus ensemble, leur collaboration ultérieure ne consistant qu'en des échanges épistolaires.

Dès sa libération, Tinbergen reprend le fil de sa carrière et publie deux articles conséquents : l'un, en 1947, concernant les activités substitutives, avec Jacob van Iersel ; l'autre, en 1948, portant sur les bases physiologiques de l'instinct. Cette même année, il apprend que Lorenz est vivant et de retour à Altenberg, alors en zone russe, où les communications avec l'extérieur sont limitées. Les deux hommes ne se retrouvent finalement qu'en 1949, lors de ce que l'on peut considérer comme la première conférence internationale d'éthologie (qui se tient tous les deux ans depuis cette date), consacrée aux mécanismes physiologiques du comportement, qui a été organisée à l'initiative de William Homan Thorpe à Cambridge (Angleterre). Lors de cette réunion, Tinbergen présente une contribution capitale à la théorie de l'instinct sur l'organisation hiérarchique du comportement instinctif qui sera publiée en 1950.

Cette année-là, Tinbergen accepte un poste de professeur dans le département de zoologie à Oxford, où il terminera sa carrière après avoir formé bien des scientifiques importants qui ont jalonné l'histoire de l'éthologie. Il est invité à faire une série de conférences aux États-Unis et en Angleterre dont le contenu fera l'objet de son ouvrage majeur The Study of Instinct (1951). Toutes ses recherches y sont rassemblées, complétées et élaborées en un texte fondateur de la théorie de l'instinct. Celui-ci dépasse largement la formulation effectuée avec Lorenz, en généralisant le modèle des actes instinctifs (type roulage de l'œuf) aux comportements instinctifs, c'est-à-dire à l'enchaînement d'actes instinctifs, les précédents étant déclencheurs des suivants, comme les maillons d'une chaîne. À chaque niveau de l'organisation hiérarchisée des comportements complexes, les centres coordinateurs, les mécanismes innés de déclenchement (composante exogène) et les besoins spécifiques (composante endogène) reposent sur des arguments physiologiques et nerveux.

L'éthologie devient alors une science mature avec une théorie structurée et Tinbergen se pose en leader de la discipline. Son autorité s'exprime dans des ouvrages généraux comme sa monographie sur le monde du goéland (1953), le comportement social des animaux (1953), la vie des oiseaux (1954), le naturaliste curieux (1958). En 1963, en hommage à Lorenz, il écrit une sorte de manifeste de l'éthologie, qui reste aujourd'hui une référence, dans lequel il formalise le projet éthologique, en précisant les méthodes pertinentes pour le réaliser. Il délimite le champ de la science éthologique, définie comme l'étude biologique du comportement, en le résumant à quatre questions fondamentales auxquelles on doit porter une attention égale : 1) Quelles sont les causes (immédiates) du comportement ? 2) Quelle est sa valeur de survie ? 3) Comment s'est-il mis en place au cours du développement et de la vie de l'individu (ontogenèse) ? 4) Comment s'est-il mis en place au cours de l'évolution (phylogenèse) ?

C'est aussi au cours des années 1960 qu'un rapprochement avec un psychologue de l'enfant, Jerome Seymour Bruner, conduit Tinbergen, avec son épouse Elisabeth Amélie Tinbergen, à s'intéresser à la question de l'autisme infantile qui fera l'objet d'un[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université Paul-Sabatier, Toulouse

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Nikolaas Tinbergen - crédits : Nina Leen/ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Nikolaas Tinbergen

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