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KARETNIKOV NIKOLAÏ (1930-1994)

Le compositeur russe Nikolaï Karetnikov est l'un des premiers à avoir dénoncé les lâchetés et les compromissions de certains intellectuels soviétiques entre la fin des années 1940 et le début des années 1970. Son ouvrage Thèmes avec variations (paru en 1990 à Moscou, en russe, et à Paris, aux éditions Horay, en français) fait scandale en brossant un portrait sans concession du monde artistique et littéraire dans l'U.R.S.S. de Nikita Khrouchtchev, en montrant l'asservissement de certains compositeurs à la très officielle Union des compositeurs de l'U.R.S.S. et même au K.G.B.

Nikolaï Nikolaïevitch Karetnikov naît à Moscou le 28 juin 1930. Il accomplit ses études musicales à l'École centrale de musique de Moscou (1942-1948) puis au Conservatoire de Moscou (1948-1953), où il a pour professeur de composition Vissarion Chebaline.

D'abord influencé par Gustav Mahler et Dmitri Chostakovitch, il est très rapidement fasciné par la musique des trois Viennois – Schönberg, Berg et Webern – et s'engage dès 1957 dans la voie du postsérialisme, qui est rejeté en U.R.S.S. par les tenants de l'orthodoxie musicale. Karetnikov – qui appartient à la même génération qu'Edison Denisov, Alfred Schnittke et Sofia Goubaïdoulina – va comme eux souffrir de la censure de l'Union des compositeurs de l'U.R.S.S., s'attirer les foudres de son secrétaire, Dimitri Kabalevski, et se trouver rejeté en marge de longues années durant. Ses œuvres seront pratiquement interdites d'exécution en Union soviétique du début des années 1960 à la perestroïka de 1986. Il parviendra cependant à faire jouer quelques pièces en Occident, par exemple le ballet Le Petit Zachée surnommé Cinabre, d'après E.T.A. Hoffmann, composé en 1967 et donné à Hanovre en 1971. Comme beaucoup d'autres compositeurs de son pays, il vivra, durant ces longues années d'exil intérieur, en écrivant des musiques de scène et des musiques de film.

Son adhésion au sérialisme n'entraîne chez lui aucun fanatisme à l'égard de cette technique : Karetnikov a toujours su préserver sa liberté de compositeur, ce qui fait tout l'intérêt de sa musique. Au sein de son catalogue se détachent quatre symphonies (1951, 1956, 1959, 1963), une Sonate pour violon et piano (1960), Lento variazione, pour piano (1961), un Quatuor à cordes (1963), une Symphonie de chambre, pour dix-neuf instruments (1969), un Quintette avec piano (1993), un opéra-oratorio, Le Mystère de l'Apôtre Paul, composé entre 1972 et 1987, mais qui ne pourra être représenté, pour des raisons idéologiques évidentes. Son opéra Till Eulenspiegel, d'après Charles De Coster, l'occupera durant pratiquement deux décennies, de 1964 à 1985 ; satire trop évidente du régime soviétique, considéré comme le premier opéra « samizdat », il ne sera pas non plus représenté en U.R.S.S. Karetnikov meurt à Moscou le 10 octobre 1994. La reconnaissance de l'importance de son œuvre ne viendra qu'après sa mort.

— Alain FÉRON

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

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