HARNONCOURT NIKOLAUS (1929-2016)
La découverte de la musique ancienne
À la fin des années 1940, Nikolaus Harnoncourt découvre la musique ancienne ; il commence des recherches sur les instruments d'époque : leur facture, leurs spécificités, leurs tessitures, leurs modes de jeux et, bien entendu, leurs répertoires. Il s'agit d'un travail de pionnier, le début de ce que Harnoncourt a appelé « sa folie des instruments ». Il faut souligner que la musique ancienne est à cette époque mal considérée, réservée à quelques « illuminés » taxés de dilettantisme. Josef Mertin, professeur au Collegium Musicum de Vienne, est un de ces pionniers. Harnoncourt lui soumet ses recherches, il enregistrera sous sa direction, en 1950, les Six Concertos brandebourgeois de Bach. À la fin de 1949, il crée, avec Eduard Melkus, Alfred Altenburger et Alice Hoffelner, le Wiener Gamben-Quartett ; la formation passe du violon moderne au violon baroque, puis à la viole de gambe, et aboutit à un quatuor de violes constitué de deux violes d'amour, d'un dessus de viole et d'une basse de viole. C'est avec cette formation qu'il interprète notamment L'Art de la fugue de Bach lors de concerts donnés en 1950 – année Bach – à Vienne, à Graz et à Salzbourg. Le quatuor explore avec succès une littérature musicale jusqu'alors inconnue. C'est à cette époque que Harnoncourt se lie d'amitié avec le claveciniste Gustav Leonhardt.
En 1952, il est engagé par Herbert von Karajan comme violoncelliste à l'Orchestre symphonique de Vienne, où il restera jusqu'en 1969. En 1953, il épouse la violoniste Alice Hoffelner – une des fondatrices du Wiener Gamben-Quartett – et crée un ensemble qui adoptera en mai 1957 le nom de Concentus Musicus Wien, pour son premier concert public, donné lors de la réouverture du palais Schwarzenberg, à Vienne. Dans ce que lui-même appelle le « credo » du Concentus Musicus, Harnoncourt affirme en 1954 : « Nous voyons la musique ancienne en tant que telle, dans sa propre époque, et nous devons nous efforcer de la restituer authentiquement, non par souci de conformité historique, mais parce que cela nous paraît aujourd'hui la seule voie juste pour la rendre de manière vivante et respectueuse. » Nikolaus Harnoncourt à la viole de gambe enregistre avec Alfred Deller et le Leonhardt-Barockensemble (Dowland, Morley, Campian, Farnaby, Purcell, Bach...). Le Concentus Musicus, que Nikolaus Harnoncourt dirige depuis le violoncelle (ou la viole), se constitue rapidement un vaste répertoire qui s'écarte résolument des sentiers battus, et qui s'étend du Moyen Âge à la fin du xviiie siècle. En 1954, Paul Hindermith présente sa reconstitution de L'Orfeo avec le noyau de ce qui deviendra le Concentus Musicus. Le Concentus Musicus joue Monteverdi, Bach, Haendel, Haydn, mais promeut également un répertoire moins connu : l'art polyphonique des Pays-Bas, le GlogauerLiederbuch datant de 1480 environ, la musique anglaise (notamment celle de Henry Purcell, avec la Fantasia, pour quatre violes, de 1680), des compositeurs français du xviiie siècle (Marin Marais et François Couperin), Heinrich Ignaz Franz von Biber, alors inconnu... Les musiciens du Concentus Musicus sont fascinés par ce répertoire aux sonorités inhabituelles, qui se situe souvent loin des sentiers battus du majeur/mineur et de l'accord parfait. Nikolaus Harnoncourt va jouer un rôle essentiel dans la découverte et la transmission de la musique ancienne ; avant lui, l'histoire de la musique commençait avec Bach et le classicisme viennois ; grâce à lui, d'innombrables styles, du Moyen Âge à la musique contemporaine, vont acquérir droit de cité.
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
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