NIL
Avec ses 6 671 kilomètres, depuis son affluent le plus lointain, la Luvironza en Tanzanie, et 6 058 kilomètres depuis le lac Victoria, le Nil prend rang, aux côtés de l'Amazone et de l'ensemble Mississippi-Missouri, parmi les trois plus longs fleuves du monde. Son bassin draine 3 millions de kilomètres carrés, un dixième du continent africain réparti entre deux grands ensembles, le Nil Blanc depuis le lac Victoria et le Nil Bleu ou Abbay (« le père » en amharique) depuis le lac Tana en Éthiopie. Leurs eaux convergent à Khartoum. Ce bassin se répartit entre onze pays : la Tanzanie, le Kenya, le Burundi, le Rwanda, l'Ouganda, la République démocratique du Congo, l'Éthiopie, l'Érythrée, le Soudan, le Soudan du Sud et l'Égypte. Ce n'est pas pour autant un fleuve au débit moyen très abondant. Avec ses 2 830 mètres cubes par seconde à Assouan, il n'est guère plus puissant que le Rhône et très modeste face au fleuve Congo et même au fleuve Niger.
La moitié des eaux du Nil Blanc se perd dans les immenses surfaces lacustres du pourtour du lac Kyoga en Ouganda, mais surtout du Sudd et du Bahr al-Zaraf au Soudan du Sud. Le Nil devient, sur les derniers 3 000 kilomètres de son cours, un fleuve allogène qui, après avoir quitté le domaine tropical humide, traverse l'un des déserts les plus arides du monde.
Le Nil est appelé couramment el Bahr (« la mer »), en Égypte et au Soudan arabophone, ce qui témoigne de sa dimension vitale. Dans l'ancienne Égypte, Hâpy, symbole de l'abondance, est aussi la personnification divine de la crue. Ce régime de la crue a favorisé l'essor de civilisations majeures, en Égypte bien sûr, mais aussi en Nubie couchitique, méroïtique ou chrétienne ou encore, au Sud-Soudan, avec la royauté sacrée shilluk et la domination des clans pastoraux nilotiquesDinka et Nuer. Les civilisations abyssiniennes se sont épanouies à distance du Nil Bleu, qui coule dans des gorges longtemps réputées maléfiques. La mythologie antique comme les expéditions pour découvrir les sources du Nil puis contrôler son cours et, aujourd'hui, « l'hydropolitique » des pays riverains sont associées à l'angoisse d'une crue peu abondante synonyme de famine et à la peur de voir les pays de l'amont couper le cours du fleuve. En 2011, 423 millions de personnes vivent dans les onze pays où coulent les Nils, dont un peu moins de la moitié sur le bassin lui-même. Entre le Soudan et l'Égypte, quelque 90 millions de riverains ne disposent d'aucun autre accès à l'eau.
Depuis que l'empereur éthiopien Amda Sion, en 1321, a menacé, sans en avoir les moyens, le sultan égyptien de couper les sources du Nil pour faire cesser la persécution des coptes, la problématique est la même, déterminant les relations internationales comme les aménagements du bassin nilotique.
Le bassin, le régime et la crue
Les profils des deux ensembles, Nil Blanc et Nil Bleu, sont très différents. Le Nil Blanc, né dans la région des grands lacs, débute par un cours entrecoupé de rapides et de chutes. Entre le lac Victoria et Djouba au Soudan du Sud, sur 900 kilomètres, il passe de 1 135 mètres d'altitude à 455 mètres. Il lui reste donc moins de 500 mètres de dénivelé pour parcourir les 5 100 kilomètres qui le séparent encore de Rosette et charrier les 30 kilomètres cubes d'eau apportés chaque année par le Nil Albert aux portes du Soudan, à Nimule. Le Nil ne dispose ensuite que d'une pente de 67 mètres pour parcourir les 1 050 kilomètres qui le séparent de Malakal et d'à peine 90 mètres durant les 950 kilomètres suivants jusqu'à Khartoum. Ses eaux vont donc se perdre pour moitié dans les marais du Soudan du Sud.
À 1 800 mètres d'altitude à la sortie du lac Tana, le Nil Bleu dévale des gorges torrentueuses qui lui font perdre[...]
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Écrit par
- Éric DENIS : chargé de recherche au C.N.R.S.
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