NIL
Les aménagements, le partage des eaux et « l'hydropolitique »
Le cours du Nil égyptien fait l'objet d'aménagement dès la fin de la période antique, mais, de la conquête arabe à la fin du xviiie siècle, sa maîtrise se dégrade et les étendues lacustres ont même tendance à reconquérir le bas-delta. Reprenant les plans de l'expédition d'Égypte, le pacha Méhémet Ali (1805-1849) fait bâtir un barrage à la pointe du delta. Le contrôle du bassin du Nil par les Britanniques à la fin du xixe change l'échelle d'intervention. Une série de barrages est jetée en travers du Nil en Égypte, chapeautée par le premier barrage d'Assouan, achevé en 1902. Celui-ci permet d'étendre la saison agricole bien au-delà de sa crue et d'expérimenter les premières doubles récoltes massives. Rehaussé en 1934, il permettait de stocker 6,2 kilomètres cubes en fin de crue.
Le contrôle du Nil ne se fait pas sans résistance, dont l'incident franco-britannique de Fachoda en 1898 n'est qu'un des épisodes. Les Britanniques imposent progressivement l'interdiction de tout aménagement du haut cours du Nil ; le traité sur le partage de l'Afrique de l'Est entre la couronne d'Angleterre et l'Italie le stipule, de même que le traité anglo-éthiopien signé en 1902 avec l'empereur Ménélik II, ou le traité de 1906 entre le roi des Belges Léopold II et la couronne britannique reconnaissant l'État indépendant du Congo.
La très mauvaise crue de 1913-1914, suivie d'une récolte catastrophique, accélère encore les entreprises d'aménagement. En 1919, au sortir de la guerre, l'administration coloniale anglaise décide la construction de deux barrages au Soudan, à Djebel Aulia (1937, surélevé en 1952) sur le Nil Blanc et à Sennar (1927) sur le Nil Bleu. Le premier retient chaque année en fin de crue 3,6 kilomètres cubes, soit 15 à 20 p. 100 du débit annuel du Nil Blanc, qui permettent de soutenir le débit du Nil en aval durant l'étiage. Le second dessert les 120 000 hectares de périmètre irrigué de la Gezireh entre les deux Nils. Suite à ces premières réalisations au Soudan, les nationalistes égyptiens signifient leur méfiance contre « tout aménagement hydraulique du Nil touchant des parties non égyptiennes du bassin ». Chantiers et polémiques aboutissent au traité anglo-égyptien de 1929 sur la répartition des eaux du Nil, qui confère à l'Égypte le droit d'utiliser 48 kilomètres cubes et au Soudan 4 kilomètres cubes. Il n'y est fait aucun cas des droits des pays en amont et, surtout, le traité mentionne « les droits historiques » de l'Égypte sur les eaux du Nil, une formulation lourde de conséquences. Maintenue lors de la révision du traité en 1959, elle constitue encore à l'heure actuelle la base de toute position de négociation égyptienne. Depuis, des ingénieurs égyptiens surveillent chaque jour le débit à tous les barrages soudanais, de même qu'au barrage hydroélectrique d'Owen Falls (Ouganda), au sortir du lac Victoria depuis sa construction en 1954 et jusqu'à maintenant.
Entre 1920 et 1945, pas moins de neuf projets d'aménagement sont conçus, parallèlement à la publication d'une imposante étude de référence du Nile Basin (7 vol., 1931-1946). Cette somme propose un plan d'aménagement de l'ensemble du bassin, qualifié « de système de stockage valable pour un siècle » et qui sera suivi quasiment à la lettre. Autrement dit, les aménagements réalisés comme ceux qui sont en projet et par conséquent toujours au cœur des conflits d'intérêts entre l'amont et l'aval, sont déjà clairement conçus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Le retrait des puissances étrangères de l'Égypte (1952) puis du Soudan (1956) va aboutir à une nécessaire redéfinition[...]
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Écrit par
- Éric DENIS : chargé de recherche au C.N.R.S.
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