SIMONE NINA (entre 1933 et 1938-2003)
« Prêtresse de la soul », chanteuse de jazz, de variétés, de folk, porte-drapeau de la contestation noire aux États-Unis... Nina Simone a tour à tour – et souvent tous ensemble – reçu ces qualificatifs. Mais elle se définissait avant tout comme une interprète de la « musique classique noire » sans limites de frontières géographiques ou de genres. Nombre de ses compositions (comme Flo Me La) associent effectivement les traditions musicales des Noirs des États-Unis, de l'Afrique ou des Caraïbes. Cependant, sa solide formation de pianiste classique irrigue autant ses compositions que ses interprétations, que ce soit dans les variétés, le jazz ou la soul. En particulier, son jeu de piano très virtuose, qualifié parfois de démonstratif, est en fait riche d'emprunts à diverses œuvres classiques. Mais sa voix de contralto vibrante et expressive, aux intonations très « noires », marquées par les gospels de son enfance, transcende jusqu'aux performances les plus affectées.
Eunice Kathleen Waymon naît à Tryon, en Caroline du Nord, dans une famille de musiciens très religieux, et ses parents l'encouragent très tôt à entreprendre une formation musicale classique. Elle bénéficie d'un fonds de soutien local pour aller étudier à Asheville (Caroline du Nord) puis à la Juilliard School de New York. Elle paie ses études en donnant des cours de piano. C'est sous l'influence d'une de ses élèves, très tournée vers le jazz, qu'elle se fait embaucher en 1954 comme pianiste de jazz dans un club d'Atlantic City. Pour ne pas heurter les sentiments religieux de sa mère, Eunice Waymon change de nom et devient Nina Simone.
Son style et son répertoire très éclectiques attirent vite l'attention de la critique et Nina devient une des favorites des clubs de jazz de Greenwich Village, où elle fréquente la plupart des musiciens du courant folk protestataire. En 1958, Nina enregistre son premier disque, I Loves you, Porgy, d'après Gershwin, qui se vend suffisamment bien pour qu'elle signe un contrat avec le label Colpix. Son premier album, The Amazing Nina Simone (1959), connaît d'emblée un important succès qui lui permet de se produire sur les scènes les plus prestigieuses et dans les festivals les plus réputés ; elle y obtient les faveurs de la critique comme celles d'un auditoire de plus en plus vaste. À chaque fois, Colpix lui fait enregistrer en public des albums (Nina Simone at Town Hall, 1959 ; Nina Simone at Newport, 1960 ; Nina at The Village Gate, 1961) qui demeurent (avec Nina Simone Sings Ellington !, 1962) les plus authentiquement tournés vers le jazz. C'est aussi l'époque où elle grave ses réussites artistiques les plus durables, comme You'd Be So Nice to Come Home To, Nina's Blues, Keeper of The Flame, I'm Going Back Home ou My Man's Gone Now.
Durant les années 1960, l'engagement politique de Nina Simone devient de plus en plus marqué : elle passe du Mouvement pour les droits civiques de Martin Luther King aux groupes radicaux noirs américains. Elle compose alors, sur des arrangements tirant vers la soul alors à la mode, plusieurs chansons très fortes (Mississippi Goddam ; Backlash Blues ; Old Jim Crow) ; l'une d’entre elles, To Be Young, Gifted and Black, qui contient le verset « Say It Clear, Say It Loud/I'm Black and I'm Proud », deviendra un moment le symbole et le slogan des revendications de la société noire américaine. Parallèlement, Nina embrasse aussi de la même façon entière la cause féministe (avec sa composition Four Women et sa reprise de My Way).
Riche et célèbre, considérée aux États-Unis comme un talent majeur, Nina Simone va cependant dilapider ce capital au début des années 1970 par divers excès qui la conduisent à annuler des concerts ou à n'y apparaître que brièvement, refusant à l’occasion de terminer[...]
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Écrit par
- Gérard HERZHAFT : écrivain
Classification
Média