ROTA NINO (1911-1979)
Il est difficile d'imaginer l'univers de Fellini sans la musique de Nino Rota : elle est le piment qui en même temps assaisonne et adoucit les visions du cinéaste ; de Gelsomina à Casanova, elle a accompagné les monstrueuses parades de Fellini pendant près de trente ans. Il nous reste des images et des mélodies qu'il serait vain d'essayer de dissocier, tant elles se complètent en notre souvenir.
Fellini a toujours nourri envers la musique des sentiments ambigus : « En dehors de mon travail, je préfère ne pas écouter de musique, cela me déprime, c'est comme une voix lancinante qui me remplit de regret et de désespoir, car elle me parle d'un pays d'harmonie, de paix, de perfection, d'où nous aurions été chassés à jamais. Heureusement, je connais Nino Rota. Je suis son ami, il m'aime bien, et c'est une petite consolation, bien maigre, de savoir que l'on a, dans ce royaume métaphysique aux lois sereines et implacables, un parent influent qui peut s'entremettre, en tout bien tout honneur, vous prendre par la main et, s'il le désire, vous y ramener un jour ou l'autre. » La musique de film ne doit pas nous parler de paradis perdus mais assurer un rôle purement fonctionnel de soutien à l'image. La volonté de Fellini rencontrera dans la désobéissance apparente de Nino Rota son meilleur atout.
Né le 3 décembre 1911 à Milan dans une famille de musiciens, Nino Ronaldi (son véritable nom) commence dans la métropole lombarde sa formation musicale, avec Giacomo Orefice et Ildebrando Pizzetti, avant de partir à Rome, où il étudie à l'Accademia Santa Cecilia avec Alfredo Casella. Il y obtient en 1929 un diplôme et un premier prix de composition. De 1930 à 1932, titulaire d'une bourse, Rota vit aux États-Unis. Au Curtis Institute of Music de Philadelphie, il suit les classes de composition et de direction d'orchestre avec Rosario Scalero et Fritz Reiner. Il poursuit également des études littéraires, couronnées, à Milan, par une thèse sur Zarlino et la musique de la Renaissance en Italie. Il commence à enseigner en 1937 ; nommé en 1939 professeur au Liceo Musicale de Bari, il sera directeur de cet établissement de 1950 à 1978.
Ses premières œuvres sont un oratorio, L'Infanzia di san Giovanni Battista (1923), et un opéra, Il Principe porcaro (1926), d'après Andersen. Elles seront suivies par des opéras et des musiques de scène : Ariodante (1942), Torquemada (1943), Il Cappello di paglia di Firenze (1946) d'après Un chapeau de paille d'Italie, I Due Timidi (1950), etc. Trois symphonies, un quatuor à cordes, des oratorios et des ballets (dont le Molière imaginaire, pour Béjart) complètent le catalogue de l'œuvre « hors-écran » de Nino Rota.
Sa collaboration avec Fellini fut exemplaire : de son vivant, il a écrit les musiques de tous ses films. On en oublierait presque ses travaux, pourtant tout aussi remarquables, pour des cinéastes aussi divers que Renato Castellani (Deux Sous d'espoir), René Clément (Barrage contre le Pacifique, Plein Soleil,) Luigi Comencini, Mario Monicelli, Franco Zeffirelli (Roméo et Juliette) et, surtout, Luchino Visconti (Rocco et ses frères, Nuits blanches, Le Guépard). Il a signé également les musiques de superproductions américaines : Guerre et Paix de King Vidor ou encore Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972) ; le thème de ce dernier film est devenu une rengaine à succès comme, dix-huit ans plus tôt, le thème de Gelsomina dans La Strada. Mais il ne faut pas chercher dans ces quelques mélodies le meilleur de l'art de Rota. Au contraire, sa musique est d'une rare discrétion, se confondant presque avec l'air du terroir péninsulaire. D'une simplicité désarmante, elle chemine en nous avec force et douceur.
Elle est ritournelle, elle est chansonnière, elle est pastiche, elle est fanfare ! Ses[...]
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Écrit par
- Marcel WEISS : journaliste
Classification
Média
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