NOBLESSE
Alternances de l'époque moderne (XVIe-XVIIIe s.)
Le xvie siècle est, en France, l'époque d'un brassage des populations nobiliaires, qui se prolonge durant la première moitié du xviie siècle pour s'atténuer par la suite. Vers 1650, la noblesse ne comporte plus que peu d'éléments rattachés par filiation directe à l'époque médiévale. L'entrée en noblesse se fait par l'achat d' offices anoblissants, de lettres de noblesse, qui restent vénales jusqu'à la guerre de la Succession d'Espagne (1701-1714), ou, plus simplement, par l'usurpation quand elle est socialement acceptée. État et aristocratie tendent à limiter les possibilités d'anoblissement : dès la fin de la deuxième moitié du xvie siècle apparaissent l'interdiction des anoblissements par achat de terres, le contrôle des lettres de noblesse, les pressions fiscales, etc. L'efficacité de ces mesures reste limitée, car les besoins fiscaux d'une royauté toujours aux abois empêchent toute stabilisation durable. Ce n'est qu'au cours du règne de Louis XIV que l'aristocratie devient de plus en plus une caste, en dépit de l'échec apparent des réformes de la noblesse. Vers 1715, cependant, la législation contre les anoblis est devenue très complète, et l'usurpation, sans être impossible, devient difficile. Vauban, dans sa Dixme royale, trace en réalité tout un programme de « réaction nobiliaire » – qui sera en grande partie réalisé au cours du xviiie siècle.
Ainsi, au xvie siècle – époque où la noblesse incorpore quantité d'éléments bourgeois – succède un xviie siècle ambigu – où les « morales du grand siècle » oscillent entre les idéaux cornéliens-nobiliaires et ceux d'un Racine jansénisant et bourgeois. Au xviiie siècle, la fermeture de la noblesse devient de plus en plus effective, pour culminer entre 1770 et 1789 dans ce que L. Halphen appela, le premier, une « réaction nobiliaire » (cette thèse est cependant remise en cause par les historiens contemporains). À la vérité, celle-ci est, en grande partie, imposée par la royauté et la bureaucratie, soucieuse de limiter la fuite devant l'impôt. Les preuves administratives de l'état de noblesse deviennent de plus en plus complexes. À la veille de la Révolution est ajoutée à la vieille définition patrilinéaire, seule valable dans la majeure partie du « droit » nobiliaire français, la preuve par quartiers provenant des méthodes généalogiques d'Europe centrale que pratiquaient les abbayes nobiliaires de Lorraine et d'Alsace. Or, la croissance numérique et la prise de conscience de la bourgeoisie française sont telles que le maintien d'une structure sociale fermée ne peut, à la longue, se perpétuer. La Révolution française s'explique, en partie, par cette opposition de plus en plus difficilement tolérée.
En Europe centrale, l'évolution générale est marquée par la guerre de Trente Ans. Au cours du xvie siècle, le poids relatif de la noblesse n'a cessé de diminuer. Les États passés à la Réforme et l'évolution économique avaient besoin de cadres théologiques et administratifs nouveaux, que seule pouvait offrir la bourgeoisie urbaine. Les armées elles-mêmes, placées entre les mains d'entrepreneurs de guerre, convenaient de plus en plus mal aux mentalités nobiliaires. La guerre de Trente Ans renverse la tendance. Les armées privées fondées sur le mercenariat s'étaient avérées dangereuses pour les États et ruineuses pour les populations. La tendance générale est donc de transformer le chef mercenaire en officier sujet de son prince. Le noble s'insère facilement dans ces armées nouvelles, qui offrent des débouchés multiples, même aux cadets. La reconstruction rurale s'opère, de son côté, dans le cadre d'une seigneurie revitalisée (alors que la reconstruction française,[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
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