NOCTURNE, musique
Le mot nocturne, en musique, désigne moins une forme spécifique qu'un instant poétique, un « moment musical », dont la nuit est le prétexte.
Certes, au xviiie siècle, on rencontre le mot notturno ou Nacht-Musik appliqué à des suites instrumentales, divertissements ou cassations, musiques décoratives conçues pour la délectation plus ou moins attentive de la haute société, telle la célèbre Petite Musique de nuit (Eine kleine Nacht-Musik) de Mozart.
À l'époque romantique, le nocturne devient une pièce d'intimité, une rêverie essentiellement destinée au piano. Le premier qui utilisa le terme fut le pianiste irlandais John Field (1782-1837), qui fit une carrière internationale de virtuose et de professeur. Il séjourna longtemps en Russie, où il fut le maître de Glinka. Sur vingt nocturnes qui lui sont attribués, douze seulement ont été authentifiés. Le halo romantique qui entoure la mélancolique Irlande contribua à la popularité de ces premiers nocturnes, qui eurent surtout le mérite d'ouvrir la voie à Chopin.
On doit dix-neuf nocturnes au maître polonais. La forme Lied y est le plus souvent utilisée. Mais dans ce moule très souple, Chopin nous livre ses états d'âme, ses élans, ses fantasmes, dont le mystère de la nuit favorise l'éclosion. Techniquement parlant, l'écriture se caractérise par un large accompagnement d'arpèges, véhicule d'une harmonie souvent audacieuse, sur laquelle se greffe et se développe une mélodie aux volutes capricieuses. Le nocturne ainsi conçu n'est pas une pièce de concert, au sens virtuose du mot, mais une confidence d'artiste à recueillir dans l'intimité d'un boudoir ou d'un salon.
« Entre les nocturnes de Chopin et ceux de Gabriel Fauré, on ne voit aucune œuvre de transition », écrit Roger-Ducasse. « Lui seul [Fauré] a recueilli ce précieux héritage du cœur et de l'esprit. Plus serrés de forme, plus précieux d'écriture, ses nocturnes sont la suite amplifiée, enrichie, magnifiée des nocturnes de Chopin. »
Dans le cycle des treize nocturnes de Fauré, on reconnaît le style du maître, depuis le ton aimable et suave des Romances sans paroles jusqu'à l'extrême dépouillement des œuvres ultimes, qui ne livrent leur secret et leur pudique émotion qu'à quelques « esprits d'élite » selon le mot de Charles Koechlin.
Après Fauré, Francis Poulenc, autre compositeur-pianiste, nous a donné un recueil de huit nocturnes, aux harmonies recherchées et où le souci du pittoresque n'est point absent.
Quant aux nocturnes conçus pour l'orchestre, ils se présentent comme des poèmes symphoniques, dont la nuit est le thème : nuit calme, mystérieuse ou agitée, voire frénétique. Tel est l'esprit du cycle de Claude Debussy : Nuages, Fêtes, Sirènes, ou des Nuits dans les jardins d'Espagne de Manuel de Falla.
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Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
Classification
Média