NŒUDS DE VIE (J. Gracq) Fiche de lecture

L'écrivain, romancier, prosateur et essayiste Julien Gracq (1910-2007) a laissé vingt-neuf cahiers intitulés Notules qui, selon sa volonté, ne seront consultables qu'à partir de 2027. Mais d’autres textes posthumes ont pu être publiés depuis sa mort. Après les Manuscrits de guerre en 2011 et, en 2014, Les Terres du couchant, roman inachevé écrit dans les années 1950, son fidèle et unique éditeur depuis son premier roman Au château d'Argol (1938) nous donne un autre texte sous le titre Nœuds de vie (José Corti, 2021).

Cet ouvrage rassemble des fragments de prose inédits, non datés, que l'auteur des Lettrines (1967), d'En lisant en écrivant (1980) ou des Carnets du grand chemin (1992) a pu écrire entre 1947 et 1992. Choisis et rassemblés par Bernhild Boie, son éditrice de l’édition de la Pléiade, ces quelque cent-soixante-dix fragments de prose, qui font partie d’un ensemble que Gracq avait fait dactylographier, appartiennent au Fonds Julien Gracq et se trouvent au département des manuscrits de la BnF à Paris.

Un « enlacement intime et isolé »

Bernhild Boie les a réunis sous quatre rubriques : « Chemins et rues », « Instants », « Lire », « Écrire » ; chacune d'entre elles est précédée, en guise d'exergue, d'une photographie en noir et blanc, puisée dans les archives de Julien Gracq : un chemin en forêt, des barques échouées sur une plage, une ancienne couverture illustrée de Vingt Mille Lieues sous les mers, la table de travail de l'écrivain.

Également choisi par l'éditrice, le titre, Nœuds de vie, est extrait d'un texte du recueil où l'auteur définit un ultime vœu d'écriture : « Quelques fils seulement, venus de l'indéterminé et qui y retournent, mais qui pour un moment s'entrecroisent et se serrent l'un l'autre, atteignent, entre les bouts libres qui flottent de chaque côté, à une constriction décisive ». Il évoque, de plus, le paradoxe d'un « enlacement intime et isolé, autour duquel flotte le sentiment de plénitude de “l'être-ensemble” ». Ces notes sont, en effet, autant de « nœuds de vie », c'est-à-dire de points d'intersection essentiels où s'enchevêtrent et se réunissent les fils multiples d'une existence, mais aussi des liens langagiers qui relient à l'autre, ou encore des nodules très denses de sens, comme peuvent l’être des nœuds dans le bois.