NOIRS AMÉRICAINS
Nécessité d'une déségrégation
La lutte pour la déségrégation
Ces données nouvelles ont cependant peu modifié les données du « problème noir » jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sans doute peut-on noter quelques progrès dans leur situation juridique, en liaison avec une attitude moins passive de la Cour suprême, mais il faut se garder d'exagérer les progrès, car ils demeurent très minces, dans le Sud, qui continue à refuser d'accorder les droits civiques et, dans le Nord, où la pression croissante des Noirs ne cesse d'augmenter les tensions. La Seconde Guerre mondiale servit de catalyseur à la politique de déségrégation. Les Noirs américains, engagés sur les fronts extérieurs, eurent la révélation de l'absence de toute exclusive dans les pays où ils combattaient. En même temps, cette guerre entraîna l'affranchissement progressif des anciennes colonies européennes, en particulier en Asie et en Afrique, avec les espérances que contenait la libération des peuples noirs jadis sous tutelle.
Il est significatif que la première mesure de déségrégation ait concerné l'armée, sous la présidence de Harry Truman, en dépit de l'opposition des cadres supérieurs. La lutte pour la déségrégation commença sous la présidence de Dwight D. Eisenhower, sur deux fronts différents. Sur celui des droits civiques, la Cour suprême et le Congrès adoptèrent une attitude, plus militante, désormais favorable aux droits des Noirs. Ainsi, la première, dans un arrêt de 1954, « Brown contre Bureau d'éducation de Topeka », renversait la décision de cette même Cour en 1896, en statuant que la ségrégation raciale dans le domaine de l'éducation élémentaire et secondaire était anticonstitutionnelle. En 1957, le Congrès, pour la première fois depuis quatre-vingt-deux ans, vota une loi pour la protection des droits civiques des Noirs, afin de leur permettre de voter. Aucune de ces deux mesures ne fut vraiment appliquée, mais elles marquaient un changement dans l'attitude du législateur, qui, depuis cette date, n'a cessé d'intervenir pour faire des Noirs des citoyens.
Plus décisive fut l'action directe entreprise par les Noirs eux-mêmes à partir de 1955, ce qu'on appelle parfois la « révolution noire ». Devant les lenteurs de la déségrégation dans le Sud, ils décidèrent de prendre eux-mêmes en main leur destin. En 1955, à la suite d'un incident mineur survenu à Montgomery, au cœur du Deep South, un jeune pasteur, Martin Luther King, décida d'organiser le boycott des autobus dans cette ville, pour obtenir la fin des pratiques ségrégationnistes dans les transports urbains. Après neuf mois de lutte, la compagnie céda. Le succès de Luther King fut à l'origine d'un mouvement non violent, qui prit des formes diverses : tantôt il s'agissait de sit-in, d'occupation de restaurants, de cafés, de salles de spectacles qui continuaient à pratiquer la ségrégation ; tantôt des FreedomRiders, ou « compagnons de la liberté », défiaient les lois locales dans des autobus ou des trains, au risque de se faire arrêter par les autorités sudistes, comme cela se produisit dans l'Alabama et le Mississippi. Le mouvement de protestation toucha surtout les milieux d'étudiants, qui, toujours sous l'impulsion de Martin Luther King, créèrent le S.N.C.C. (Student Non-Violent Coordinating Committee).
La non-violence fut souvent payante, mais les États du Sud opposèrent une résistance acharnée à toutes les mesures fédérales, comme aux initiatives des organisations raciales ou inter-raciales. En 1957, il fallut l'intervention des autorités fédérales pour protéger l'entrée d'enfants noirs dans une école de Little Rock (Arkansas). En 1962, le gouverneur du Mississippi défia un ordre du pouvoir fédéral enjoignant d'inscrire dans l'[...]
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Écrit par
- Claude FOHLEN : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Daniel SABBAGH : chargé de recherche au Centre d'études et de recherches internationales
Classification
Médias