NOMBRES COMPLEXES
Introduits à l'origine comme symboles purement formels destinés à rendre compte des propriétés des équations algébriques, les nombres imaginaires sont d'un usage courant au xviiie siècle, mais ce n'est qu'au siècle suivant qu'ils seront définis et utilisés correctement, avec la rigueur qui caractérise les préoccupations des mathématiciens du xixe siècle. Et c'est alors le prodigieux essor de la théorie des fonctions d'une variable complexe et l'entrée en force des imaginaires dans presque tous les domaines des mathématiques. De nos jours, les nombres complexes interviennent de manière essentielle, comme un cadre naturel, dans maintes théories mathématiques et physiques.
Historique
Les nombres « impossibles »
Alors que de nombreux mathématiciens (dont Viète) hésitaient encore à utiliser les nombres négatifs, les algébristes italiens du xvie siècle, Cardan et ses élèves, s'enhardirent à introduire dans les calculs des symboles purement formels √− a, a > 0, représentant le résultat de l'extraction « impossible » de la racine carrée du nombre négatif − a ; ils décrivent en détail des règles de calcul permettant de manipuler ces nouveaux « nombres », appelés par eux nombres impossibles.
À l'origine, il s'agissait seulement de donner des racines à toutes les équations du second degré ; les résultats obtenus dans l'étude de l'équation du troisième degré allaient familiariser les mathématiciens avec ces symboles et mettre en évidence leur rôle comme intermédiaire commode de calcul dans de nombreux cas. Au moyen de la formule dite de Cardan, Bombelli montre, en 1572, que la racine x = 4 de l'équation x3 = 15 x + 4 peut s'écrire :
mettant par là en évidence le fait que certaines quantités réelles peuvent être représentées par des expressions en apparence imaginaires. Ainsi, la formule de Cardan permet de représenter des racines réelles par l'intermédiaire d'opérations effectuées sur des nombres impossibles, ou « imaginaires ». Les nombres imaginaires fournissent donc des méthodes de calcul, de nature certes mystérieuse, mais qui permettent d'obtenir des résultats « vrais » qu'il serait souvent beaucoup plus long ou beaucoup plus difficile d'obtenir directement.Pour ces raisons, somme toute empiriques, les mathématiciens utilisèrent avec une confiance croissante les nombres imaginaires depuis le début du xviie siècle. Dès 1629, A. Girard soupçonnait que toute équation de degré n a n racines réelles ou imaginaires, ce qui revenait à pressentir que les nombres imaginaires constituent le cadre « naturel » de la théorie des équations. À partir de 1675, Leibniz applique avec succès ses méthodes (de développements en série par exemple) aux nombres imaginaires et obtient ainsi de nombreux résultats, tandis qu'A. de Moivre, au début du xviiie siècle, met en évidence, par une utilisation systématique de la trigonométrie, les liens entre la recherche des racines des nombres imaginaires et la division d'un arc de circonférence en parties égales.
La possibilité, admise implicitement, d'étendre aux nombres complexes la plupart des notions relatives aux nombres réels allait se trouver mise en question par la controverse des logarithmes des nombres complexes, dont l'intérêt était apparu, par analogie avec le cas des pôles réels, dans l'intégration des fractions rationnelles. Les différentes formules contradictoires obtenues suscitèrent contre les imaginaires un vent de méfiance, qui fut dissipé par L. Euler ; celui-ci comprit qu'il fallait abandonner le caractère univoque du logarithme pour obtenir une théorie satisfaisante et établit d'innombrables formules relatives aux fonctions élémentaires d'une variable complexe.
À la fin du xviii[...]
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Écrit par
- Jean-Luc VERLEY : maître de conférences honoraire à l'université de Paris-VII
Classification
Médias
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