RÉELS NOMBRES
Axiomatisation et conséquences
L'axiomatisation de Hilbert
Une fois bien notée la propriété de complétion comme une propriété maximale (soit sous la forme de la borne supérieure comme chez Dedekind, soit sous la forme de la convergence des suites de Cauchy comme chez Cantor), Hilbert propose une approche axiomatique des nombres réels. Il introduit une famille de nombres, notés x, y ,... de sorte que cette famille constitue :
(a) un corps commutatif pour les deux lois +, .,
(b) un corps totalement ordonné,
(c) un groupe ordonné archimédien pour la loi +, c'est-à-dire : quels que soient x > 0 et y > 0, il existe au moins un entier naturel n tel que :
(d) un système qu'il ne soit pas possible d'agrandir en lui rajoutant des éléments de manière à obtenir un système vérifiant encore (a), (b) et (c).
Il n'est pas difficile de montrer, en utilisant (d), que, si un tel système existe, il est unique à un isomorphisme près, cette dernière expression signifiant que, si deux tels systèmes S1 et S2 sont donnés, il existe une bijection S1 → S2 qui est un homomorphisme de corps totalement ordonnés ; S1 et S2 sont donc structurellement isomorphes. On aura donc loisir d'appeler ensemble des nombres réels tout système satisfaisant (a), (b), (c), (d).
Cependant, l'existence d'un tel système n'est pas évidente. Elle peut résulter des constructions précédentes de Cantor et Dedekind (ou d'autres constructions) comme nous allons le montrer. Toutefois la démarche de Hilbert était tout autre. Il s'agissait d'établir que les quatre conditions (a), (b), (c), (d) ne sont pas contradictoires, la non-contradiction d'une famille d'axiomes, pour autant qu'elle soit démontrée, assurant, selon le point de vue de Hilbert, l'existence d'un système d'objets satisfaisant les axiomes (cf. axiomatique et hilbert).
Passons maintenant à la démonstration de l'équivalence des constructions de Cantor et Dedekind et montrons qu'elles vérifient les quatre propriétés énoncées par Hilbert.
Caractérisation de R
Nous partons de la construction de Cantor, c'est-à-dire d'un corps totalement ordonné archimédien et complet R. Le théorème 1 indique que R est un modèle universel pour certaines propriétés.
Théorème 1. Soit G un groupe commutatif, totalement ordonné et archimédien. Il existe un homomorphisme strictement croissant de G dans R.
Si G est réduit à son élément neutre 0, le théorème est trivial. Soit a un élément fixé de G, supposé strictement positif. Soit x un élément quelconque de G. Pour tout entier n ≥ 0, il existe un entier relatif kntel que :
puisque G est archimédien et que tout sous-ensemble majoré non vide d'entiers relatifs possède un plus grand élément.On remarquera qu'une telle relation (1) est une autre façon, adaptée à la structure ordonnée, d'écrire la division euclidienne :
Nous ne faisons donc que transposer en langage mathématique l'antique méthode numérique d'encadrements par sous-multiples successifs, renouant avec le courant numérique.
Comparons knet kn+1 :
donc :Soit, puisque knet kn+1 sont des entiers, la double inégalité prévisible :
et donc :D'où, pour tout entier p ≥ 1,
Par suite (kn/10n) est une suite de Cauchy dans R (suite de nombres décimaux, donc rationnels) : cette suite constitue les « approximations décimales » de x. Puisque, par hypothèse, R est complet, la suite (kn/10n) converge vers un élément de R noté f (x).
Nous venons d'exhiber une correspondance f : G → R. Montrons que f est l'application cherchée. En effet :
– D'une part, f est une application strictement croissante. Soit x < y, où x et y sont deux éléments de G. Notons kn(x) et kn(y) les entiers tels que :
d'où :Puisque G est archimédien, il existe un entier N[...]
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Écrit par
- Jean DHOMBRES : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
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