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RÉELS NOMBRES

Rôle des nombres réels

Dans la vie quotidienne, l'ensemble R des nombres réels est le modèle auquel se rapporte toute mesure : une mesure par rapport à une unité de mesure choisie se traduit par un nombre réel.

Du point de vue mathématique, l'intérêt de l'ensemble des nombres réels est sa richesse, par profusion de structures imbriquées. Depuis la fin du xixe siècle, et tout au long du xxe, les mathématiciens ont isolé des propriétés spécifiques de R leur permettant de définir et d'étudier des espaces abstraits satisfaisant ces seules propriétés.

D'abord, il y a la structure additive, qui conduit à la notion de groupe abélien, puis d'espace vectoriel réel, point de départ de l'algèbre linéaire. On définit aisément R2, R3 et Rncomme espaces vectoriels et ces espaces constituent le cadre idéal de la géométrie classique. Ainsi, on peut déduire toute la géométrie euclidienne de la construction de R et donc de l'ensemble des entiers naturels et de la théorie des ensembles (arithmétisation de la géométrie, cf. géométrie).

Du point de vue de la théorie des ensembles, il y a la richesse de R en éléments. Cantor a montré que R est beaucoup plus « grand » que le corps Q des nombres rationnels (cf. supra et nombres transcendants, chap. 1) : l'ensemble R a un cardinal non dénombrable, alors que Q est dénombrable. Le problème se pose aussitôt de savoir s'il existe un sous-ensemble E de R dont le cardinal soit strictement contenu entre le dénombrable et le cardinal de R, appelé puissance du continu. Cette question, qui tracassera Cantor toute sa vie a été résolue par P. J. Cohen en 1962 ; c'est un des résultats les plus brillants de la logique mathématique de l'après-guerre. Cohen a démontré que, sur la seule base de la théorie des ensembles, ce problème est indécidable ; autrement dit, il n'est pas contradictoire avec la théorie des ensembles d'admettre l'existence d'un tel ensemble E, mais il n'est pas contradictoire non plus d'en refuser l'existence. Cette démonstration a donné naissance à toute une série de résultats indécidables relatifs à la théorie de la mesure et à la topologie de R, en liaison avec l'axiome du choix (problème de la mesure, problème de Souslin ; cf. théorie axiomatique des ensembles, chap. 6).

La topologie de R, définie par Cantor à partir des intervalles ouverts, qui permet de donner un sens ensembliste à des notions comme les voisinages ou la continuité, est le point de départ de la topologie générale. Mais les nombres réels ont leur rôle spécifique à jouer en topologie générale, et Nicolas Bourbaki leur consacre le chapitre 9, intitulé « Utilisation des nombres réels en topologie générale » du livre III (Topologie générale) de ses Éléments. La notion d'écart, qui permet de définir une structure uniforme, se spécialise en la notion fondamentale de distance qui conduit à la théorie des espaces métriques (cf. espaces métriques). Dans ces espaces, le processus de complétion de Cantor s'applique et est au cœur de l'analyse fonctionnelle. En théorie des nombres, la complétion de Q pour les valeurs absolues p-adiques conduit aux nombres p-adiques (cf. théorie des nombres - Nombres p-adiques).

La topologie de R est également étroitement liée à des questions de dénombrabilité. Tout ouvert de R est réunion dénombrable d'intervalles ouverts. Peut-on obtenir R comme réunion d'ensembles ne contenant pas d'intervalle (un tel ensemble est dit rare) ? R.  Baire a démontré qu'un ouvert non vide de R ne peut pas s'obtenir comme réunion dénombrable d'ensembles rares. Cette propriété caractérise les espaces de Baire, dont les espaces métriques complets constituent un important exemple (cf. espaces métriques, chap. 4, où l'on trouvera des références[...]

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  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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