NOMBRES (THÉORIE DES) Nombres algébriques
Corps de nombres algébriques
Dedekind (1871, 1893) a étendu les théories précédentes en développant les notions de corps de nombres algébriques et d'entiers algébriques. Un corps de nombres algébriques est une extension finie du corps Q des nombres rationnels ; un tel corps peut s'écrire K = Q(θ), où θ vérifie une équation algébrique irréductible f (x) = 0, de degré n, à coefficients rationnels (cf. corps mathématiques), et chacune des n racines complexes de f définit un plongement de K dans le corps C des nombres complexes. On note r1 le nombre des racines réelles, qui donnent des plongements de K dans R, et 2r2 le nombre de racines complexes (paires de racines complexes conjuguées) ; en tant qu'espace vectoriel sur Q, K est de dimension n, avec 1, θ, θ2, ..., θn-1 comme base (division euclidienne ; cf. polynômes). Si g(θ) ∈ K, on appelle conjugués de g(θ) les n nombres complexes g(θ1), g(θ2), ..., g(θn), où θ1, θ2, ..., θn sont les racines de f (x) = 0 ; ce sont tous des nombres algébriques.
Entiers algébriques
Parmi les nombres algébriques, les entiers algébriques sont définis de manière à former un anneau dont l'intersection avec Q soit réduite à Z ; on veut de plus que tous les conjugués d'un entier algébrique (c'est-à-dire les racines de son équation minimale à coefficients rationnels) soient encore entiers. Alors les coefficients de l'équation minimale d'un entier algébrique sont des entiers algébriques rationnels, c'est-à-dire des éléments de Z ; on définit donc les entiers algébriques comme les racines d'équations à coefficients entiers rationnels, avec un coefficient dominant 1, et il est facile de voir que l'équation minimale d'un tel nombre a encore ses coefficients entiers (donc les entiers algébriques rationnels sont bien les éléments de Z, ce qui généralise le résultat de Théétète cité au début). Pour étudier les entiers du corps K = Q(θ), on peut supposer que θ est lui-même entier ; si ρ = c0 + c1θ + ... + cn-1θn-1 est entier, avec ci ∈ Q, on a, pour tous ses conjugués ρj = c0 + c1θj + ... + cn-1θjn-1. Les coefficients ci sont donc donnés par un système d'équations linéaires de matrice (θij) (0 ≤ i ≤ n − 1 ; 1 ≤ j ≤ n) ; le déterminant de cette matrice est :
et on peut résoudre le système par les formules de Cramer qui montrent que l'entier rationnel Δ2 est un dénominateur commun à tous les ci. Ainsi l'anneau oK des entiers de K est contenu dans le Z-module libre de base (θi/Δ2)i et il est d'indice fini car il contient les θi ; par suite, il est lui-même libre et a une base à n éléments (ω1, ω2, ..., ωn). La matrice de passage d'une base à une autre appartient à GL (n, Z), et son déterminant vaut ± 1 ; il en résulte que le déterminant de la matrice (ωj(i)), où on note ωj(1), ωj(2), ..., ωj(n) les conjugués de ωj, est défini au signe près par K. Le carré de ce déterminant est un entier rationnel d ≠ 0, que l'on appelle le discriminant de K ; on a :et il n'y a qu'un nombre fini de corps de discriminant donné ( Hermite).Par exemple, dans le corps Q(i) (avec i2 = − 1), les entiers sont de la forme m + ni avec m, n rationnels tels que m + ni + m − ni = 2 m et (m + ni)(m − ni) = m2 + n2 soient entiers ; alors 4 m2 + 4 n2 est un entier, donc aussi 4 n2, et 2 n est encore entier. Enfin, la condition que (2 m)2 + (2 n)2 = 4 (m2 + n2) soit divisible par 4 exige que 2 m et 2 n soient pairs, donc m et n sont entiers ; les entiers de Q(i) forment donc l'anneau des entiers de Gauss Z[i], de base (1, i). Le discriminant de Q(i) est le carré du déterminant de la matrice :
soit (− 2 i)2 = − 4.[...]La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Christian HOUZEL : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot
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