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NOMBRES (THÉORIE DES) Nombres algébriques

Corps de classes

La difficile théorie du corps de classes tire son origine de plusieurs résultats établis au cours du xixe siècle. Nous avons vu que Gauss avait associé, à tout nombre premier impair p, une somme :

corps des racines p-ièmes de 1, dont le carré est (− 1)(p−1)/2p ; le sous-corps de Q(r) engendré par la somme de Gauss est donc isomorphe au corps quadratique Q(√(− 1)(p−1)/2p). Kronecker a obtenu une vaste généralisation de ce résultat (la démonstration complète est due à Weber) : tout corps K de nombres algébriques dont le groupe de Galois sur Q est commutatif se plonge dans un corps cyclotomique. La théorie de la multiplication complexe des fonctions elliptiques a ensuite conduit Kronecker à formuler une conjecture analogue pour les corps de nombres algébriques K contenant un corps quadratique imaginaire k et tel que le groupe de Galois G(K/k) soit commutatif (« rêve de jeunesse de Kronecker », 1857) ; dans cette conjecture, qui n'a été complètement démontrée qu'en 1920, les fonctions elliptiques admettant de la multiplication complexe par certains entiers de k jouent le rôle que jouait l'exponentielle imaginaire pour les racines de 1.

En étendant la théorie de Kummer aux corps cyclotomiques Q(α) = K, où α est une racine m-ième de 1, m entier quelconque, on constate que la décomposition d'un nombre premier rationnel p qui ne divise pas md (d discriminant de K) ne dépend que de l'ordre f de p modulo m : p se décompose en e = ϕ(m)/f facteurs premiers idéaux distincts de degré f dans K, où ϕ (m) est l'indicateur d'Euler. En particulier, si p ≡ 1 (mod m), c'est le produit de ϕ(m) idéaux premiers de degré 1 ; au moyen de la fonction ζK, on peut montrer que l'ensemble des idéaux premiers de degré 1 de K est infini, et il en résulte qu'il y a une infinité de nombres premiers dans la progression arithmétique de raison m qui contient 1 (cf. théorie des nombres - Théorie analytique des nombres). Weber a essayé de généraliser ce genre de considérations en remplaçant Q par un corps de nombres algébriques k et m par un idéal m ; il considère le groupe Am des idéaux fractionnaires de k premiers à m et un sous-groupe Hm d'indice fini h′ formé d'idéaux principaux dans Am. Il fait alors les hypothèses suivantes :

a) Les idéaux entiers de k sont « également distribués » dans les classes de Am/Hm (comme ils le sont dans les classes d'idéaux habituelles).

b) Il existe une extension K de k de degré ≤ h′ telle que les idéaux premiers de Hm de degré 1 se décomposent complètement dans K (c'est-à-dire en produit d'idéaux distincts tous de degré 1) ; l'extension K s'appelle un corps de classes pour k.

Weber montre alors que chaque classe de Am/Hm contient une infinité d'idéaux du premier degré. Dans le cas où k = Q, on peut prendre pour Hm le groupe des idéaux engendré par un nombre congru à 1 modulo m ; dans ce cas, Weber a aussi établi que le groupe de Galois de Qm) = K sur Q s'identifie à Am/Hmm racine m-ième de 1), et qu'à chaque sous-groupe H′m ⊃ Hm correspond un corps de classes K′ ⊂ Qm) de groupe de Galois Am/Hm. Dans le cas général, en supposant l'existence du corps de classes K, Weber a seulement démontré que son degré sur k est égal à h′ et qu'il est galoisien sur k. Revenant au cas particulier k = Q, si L est une extension abélienne quelconque de Q, elle se plonge dans un corps Qm) (théorème de Kronecker-Weber) et correspond donc à un groupe d'idéaux principaux H′m, tel que Hm⊂ H′m⊂ Am et que Gal(L/Q) ≃ Am/H′m ; l'entier m n'est pas unique, mais il admet une valeur minimale dont toutes les autres sont des multiples (le conducteur de L). Weber a encore formulé des conjectures qui[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot

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