NOMBRES (THÉORIE DES) Théorie analytique
Valeurs moyennes de fonctions arithmétiques
L'irrégularité des fonctions arithmétiques
Les fonctions définies dans l'ensemble des entiers > 0 par des conditions de nature arithmétique, telles les fonctions multiplicatives qu'on a étudiées plus haut (cf. chap. 2, Le point de vue formel), ont une allure en général très irrégulière. Par exemple, la fonction d(n) est égale à 2 pour n premier, mais elle est très grande pour les nombres de la forme m ! ; on peut montrer par des procédés élémentaires (n'utilisant pas le théorème des nombres premiers) que l'on a :
Pour σ1(n), l'irrégularité est moins prononcée ; on a σ1(n) = n + 1 si n est premier, et on montre (à l'aide du théorème des nombres premiers) que :
où γ est la constante d'Euler. De même, pour la fonction d'Euler ϕ(n), on a ϕ(n) = n(1 − 1/p) pour n = pk, puissance d'un nombre premier, ce qui entraîne :on montre ici que l'on a :Une fonction arithmétique très étudiée, mais sur laquelle on sait encore peu de chose, est la différence pn+1 − pn entre deux nombres premiers consécutifs. On conjecture qu'il y a une infinité de valeurs de n pour lesquelles pn+1 − pn = 2 (nombres premiers « jumeaux ») et que le nombre des pn ≤ x ayant cette propriété est asymptotiquement égal à Cx/(ln x)2, avec :
(produit étendu aux nombres premiers impairs) ; mais tout ce que l'on a pu prouver jusqu'ici, avec V. Brun, est que la série des inverses des nombres premiers jumeaux est convergente. Dans l'autre direction, on peut, par une étude poussée de la fonction ζ(s), montrer que :si l'hypothèse de Riemann était vraie, elle entraînerait pn+1 − pn = O(pn1/2 ln pn).Moyennes des fonctions arithmétiques
On espère en général que, lorsqu'une fonction f définie pour les entiers > 0 a une allure irrégulière, la fonction F(m) = f (1) + f (2) + ... + f (m), égale à m fois la « valeur moyenne » de f dans l'intervalle 1 ≤ n ≤ m, se comportera de façon plus satisfaisante ; c'est ce qui se passe pour la plupart des fonctions arithmétiques. Le théorème des nombres premiers en est un exemple : de façon générale, si P est une partie de N et si l'on prend pour f la fonction caractéristique de P, la fonction correspondante m ↦ F(m)/m est ce qu'on appelle la densité de P dans l'intervalle [1, m] ; le théorème des nombres premiers dit que, pour l'ensemble P des nombres premiers, cette « densité » a une partie principale 1/ln m.
Pour certaines fonctions considérées supra (cf. Le point de vue formel, in chap. 2), on peut effectivement obtenir des parties principales de leurs « moyennes » de façon élémentaire ; par exemple, on a :
la dernière somme étant la « densité » dans l'intervalle [1, x]de l'ensemble des entiers sans facteur carré.À l'aide du théorème des nombres premiers, on établit :
avec :(somme étendue aux nombres premiers).Le premier membre de (67) admet une interprétation géométrique intéressante : c'est le nombre des points (r, s) du réseau Z2 dans le plan qui appartiennent à la région du plan formée des points (u, v) vérifiant u ≥ 1/2, v ≥ 1/2 et uv ≤ x. Cette interprétation suggère aussitôt que la partie principale de ce nombre est l'aire de la région précédente et conduit à améliorer la majoration du terme complémentaire. D'une façon générale, considérons dans le plan la région G définie par s ≤ u ≤ w, q ≤ v ≤ f (u), où s − 1/2, w − 1/2 et q − 1/2 sont entiers ; f est supposée deux fois continûment différentiable, sa dérivée étant > 0 dans[s, w], et sa dérivée seconde ne s'annulant pas dans cet intervalle.
Soit I(G) le nombre de points[...]
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Écrit par
- Jean DIEUDONNÉ : membre de l'Académie des sciences
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