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TRANSCENDANTS NOMBRES

Valeurs transcendantes de fonctions entières

Le premier résultat profond sur les nombres transcendants fut obtenu par C.  Hermite en 1872 : par une méthode très originale reposant sur l'approximation de la fonction exponentielle ez par des fonctions rationnelles, il put montrer que le nombre e est transcendant, et c'est par une extension de la méthode d'Hermite que Ferdinand von Lindemann, en 1882, prouva que π est aussi transcendant. De nouveaux résultats de cette nature n'apparurent qu'après 1929 ; ils concernent, comme les précédents, des nombres qui sont des valeurs prises par certaines fonctions entières ou méromorphes (ou leurs fonctions inverses) pour des valeurs algébriques de la variable ; les méthodes, développées à partir d'idées de C. L.  Siegel et de A.  Gelfond, raffinées par T. Schneider et récemment par A. Baker, utilisent, comme celle d'Hermite, des propriétés des fonctions entières d'une variable complexe. Aucune méthode n'a encore été trouvée pour des nombres qui ne sont pas donnés de cette manière, par exemple la constante d'Euler :

dont on ne sait même pas si elle est irrationnelle (cf. chap. 2 de l'article calculs asymptotiques).

Les théorèmes d'Hermite et de Lindemann sont des cas particuliers du résultat suivant.

Théorème I. Un nombre complexe α ≠ 0 ne peut être tel que α et eα soient tous deux algébriques.

En effet, ce théorème entraîne, en faisant α = 1, que e est transcendant et, en faisant α = iπ, que π est transcendant.

La méthode de Siegel-Gelfond-Schneider déduit le théorème I d'un théorème plus général concernant les valeurs de deux fonctions entières liées par des équations différentielles algébriques :

Théorème II. Soit f et g deux fonctions entières d'ordre fini ρ, c'est-à-dire vérifiant des majorations,

pour tout z ∈ C. On suppose que :

1o Les fonctions f et g sont algébriquement indépendantes, c'est-à-dire qu'il n'existe aucun polynôme P(X, Y) non nul à coefficients complexes tel que P(f (z), g(z)) ≡ 0.

2o On a des relations différentielles :

où Q et R sont des polynômes à coefficients dans un corps de nombres algébriques K de degré fini d sur le corps des rationnels Q.

Supposons alors qu'il y ait m nombres complexes distincts w1, ..., wm tels que les 2m nombres f (wj) et g(wj) appartiennent à K. Cela n'est possible que si m ≤ 10 ρd.

Pour en tirer le théorème I, on prend f (z) = z et g(z) = ez, qui vérifient les conditions (1) et (2) ; si α et eα étaient algébriques, ils appartiendraient à un même corps de nombres K de degré fini ; mais alors tous les nombres nα et enα appartiendraient aussi à K pour tout entier n, ce qui contredit le théorème II.

Si β est un nombre algébrique irrationnel, les fonctions et et eβt vérifient les conditions du théorème II en prenant pour K un corps contenant β. On en déduit le théorème de Gelfond-Schneider :

Théorème III. Si α est un nombre algébrique autre que 0 et 1 et β un nombre algébrique irrationnel, le nombre αβ = exp (β Log α), avec une détermination quelconque du logarithme, est transcendant.

En effet, dans le cas contraire, les valeurs de et et eβt pour tous les nombres n Log α, avec n entier quelconque, appartiendraient à un corps K′ contenant α et αβ, contrairement au théorème II.

Par exemple, le nombre 2√ 2 et le nombre eπ, qui est une détermination de (− 1)-i, sont transcendants. L'idée de la démonstration du théorème II est de former une suite (Fs(z)) de fonctions entières d'ordre ρ, où l'indice s prendra des valeurs entières arbitrairement grandes, qui possèdent les propriétés suivantes, où C1, C2, ... sont des constantes indépendantes de s,

(c) Il existe un wj, par exemple w1, tel que :

et tel que :[...]

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