NOMS & ATTRIBUTS DIVINS
Le problème des noms divins dans la pensée chrétienne revient à poser la question suivante : comment concevoir que s'appliquent à l'absolue simplicité de Dieu, découlant de sa définition, les perfections multiples qu'on lui attribue en vue d'expliciter, à l'usage de l'homme, son essence, ainsi que les noms que la tradition, scripturaire et patristique, lui donne ?
Le contexte mythique vécu de la Bible et des origines chrétiennes met le plus grand nombre des initiés à même d'appeler Dieu Père, Tout-Puissant, Saint, Bon, sans médiation conceptuelle réflexive. Le problème ressortit au stade de la pensée théologique postérieure élaborée à partir des philosophies ambiantes. Chez les Pères grecs (iie-ive s.), le thème biblique du « Dieu caché », qui pourtant se révèle, rencontre les spéculations néo-platoniciennes, hantées par l'Un ineffable mais soucieuses de donner aux dieux du paganisme les noms qui leur conviennent. Or le Dieu inconnaissable par essence est en même temps sauveur ; il se laisse rencontrer en une expérience globale de foi, d'amour, de vertu, de vie sacramentelle. Il en résulte, chez ces théologiens, une attitude apophatique, attentive à ne point réduire le mystère divin à quelque représentation conceptuelle.
Au vie siècle, pour le pseudo-Denys (Noms divins), ouvertement inspiré par la Théologie platonicienne de Proclus, les noms de Dieu : Bien, Beau, Sagesse, Vérité, etc., correspondent à ses manifestations, qui le font, pour ainsi dire, sortir de son ineffable unité. De ce point de vue, Dieu est tout ce qui est. Mais considéré en lui-même, au contraire, il n'est rien de ce qui est. On pourra donc le chercher par la voie de l'affirmation ou par celle, préférable, de la négation et du silence contemplatif.
Au xiiie siècle, Thomas d'Aquin (Somme théologique, Ie, qu. 13) reprend Denys en l'amendant : accordée au sensible, la connaissance humaine peut dire que Dieu est, mais pas ce qu'il est. Relativement à l'expérience du monde, elle peut affirmer de Dieu ce qui convient à sa nature : qu'il est cause première de l'existant. Elle peut aussi nier de Dieu la finitude des modes de perfection qui tombent sous notre expérience. Elle peut enfin affirmer de Dieu, à condition que ce soit de façon suréminente, les perfections qui jamais ne se rencontrent, sinon de façon limitée, dans l'expérience humaine.
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Écrit par
- Lucien JERPHAGNON : professeur à l'université de Caen
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