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NON-DIRECTIVITÉ, éducation

Le terme non-directivité est d'abord un terme technique qui trouve une origine très circonstanciée au sein de la recherche théorique et clinique en psychothérapie. Mais, comme concept, il n'a eu là qu'une destinée éphémère. Le psychothérapeute et formateur américain Carl Rogers (1902-1987) qui, le premier, l'utilise en 1942, l'abandonne dès 1951 pour lui préférer la notion de client-centered approach ou de person-centered approach.

En revanche, dans la seconde moitié du xxe siècle, la non-directivité fournit l'un de ses lieux communs à la culture éducative « moderne ». Elle fait l'objet de justifications résolues comme de condamnations véhémentes, et, en tout cas, de malentendus persistants.

Lors de la grande rébellion culturelle et sociale de 1968, la non-directivité a fait partie, comme une composante qui va de soi, des revendications libertaires illustrées par le slogan « Il est interdit d'interdire ». Permissivité contre répression, créativité contre conformité, autodidaxie contre transmission : la non-directivité semble donner un nom à une nouvelle conception des relations humaines, de la relation au savoir et aux traditions, dans la famille, à l'école, dans les institutions, les organisations...

La littérature éducative comme les orientations de la politique en matière d'enseignement témoignent, en ce début du xxie siècle, de la réapparition au grand jour d'un plaidoyer pour l'autorité. Mais, en même temps, la non-directivité persiste au quotidien à l'état de norme implicite, le plus souvent informulable par les intéressés, tant les manières individuelles sont inscrites dans les manières communes et conformées par elles. Un sentiment se révèle culpabilisant chez beaucoup : intervenir dans la vie des autres, a fortiori quand une relation d'autorité éducative est en cause, comporterait quasi fatalement une menace pour leur épanouissement futur. La peur de traumatiser semble devenue comme la seconde nature des bien-pensants modernes aux prises avec leurs « éducables ». La non-directivité s'exténue-t-elle alors en une paralysie, voire une démission, face à la responsabilité éducative d'avoir à dire la loi, à sanctionner, à déplaire ?

Mais en même temps, enchevêtré à ce puissant conformisme social de révérence à l'enfance et à la jeunesse, un changement est décelable qui témoignerait tout aussi bien d'un affinement de la conscience dans la société présente : on proclame les droits de l'enfant (Convention des Nations unies, 1989) et on blâme qui les bafoue ; on attend des éducateurs qu'ils respectent les élèves ; on recommande l'écoute contre le jugement a priori, la dépréciation systématique ou la prévenance trop possessive ; on légifère contre les manifestations violentes de l'autorité et, plus encore, contre leurs perversions sadiques, les maltraitances...

Or un pareil inventaire s'apparente d'une certaine manière à ce que Jean-Jacques Rousseau nommait (Émile, 1762) l'« éducation négative ». S'y trouvent en effet énumérées des conduites dont les personnes en position d'éduquer ont à s'abstenir. Rousseau avait bien vu que l'éducation, consiste d'abord et le plus souvent à ne pas faire ce que l'on aurait tendance à faire à l'égard des éducables, y compris, et peut-être surtout, « pour leur bien ». À s'observer soi-même dans la quotidienneté de la fonction, il est facile de le constater : se retenir est une constante de l'action éducative.

C'est alors que l'on peut revenir à Carl Rogers et considérer les raisons qui, en 1942, le conduisent à élaborer ce concept de non-directivité. À cette époque, Rogers analyse de nombreux entretiens cliniques au cours desquels les psychothérapeutes prennent diverses attitudes à l'égard[...]

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