Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NON & NÉGATION, philosophie

Opérateur linguistique de la négation, « non » apparaît dans le dialogue ou dans l'interaction comme réponse à l'interlocuteur ou au partenaire et exprime soit le rejet d'une croyance, soit le refus de la poursuite d'un processus. On peut distinguer :

La réponse à une simple interrogation, qui met fin à son indétermination et à son ambivalence : « As-tu bien dormi ? — Non ! » Le non équivaut à une phrase négative complète (que parfois il annonce sans s'y substituer) : « Je n'ai pas bien dormi. »

La protestation contre une assertion estimée fausse, le refus de donner son assentiment ou sa caution à ce que l'on juge erroné. Le non apparaît alors comme une défense de la vérité. « Untel est coupable. Non ! » Le non seul suffit à exprimer : « Ce n'est pas vrai, Untel n'est pas coupable. »

La réponse verbale, elle-même équivalente à un geste, à l'égard d'une entreprise (soit orientée vers nous : offre de nourriture, caresse inopportune ; soit quelconque, mais que nous voulons interrompre). Non signifie : « Je ne veux pas » ou « arrêtez » ; devant une scène d'horreur, à la fois : « Que cela cesse ! » et « cela n'est pas ! » (« c'est un cauchemar », dénégation).

Le non gratuit de l'enfant pour le plaisir d'exprimer un refus global, indéterminé, en vertu d'une capacité générale de refus corrélative d'une assertion de soi. On a dit : « Le moi se pose en s'opposant. » Le non est l'expression de l'autonomie, de la liberté ; une liberté infinie peut refuser même l'évidence de la vérité (Descartes, Méditations).

Peut-on faire de la négation un signal ? Dans Meaning, Communication and Value (1952), Kecskemeti écrit qu'un chien peut bien apprendre à s'arrêter de faire tout ce qu'il fait ou va faire en entendant non ; le non agit comme un signal inhibiteur. Mais la valeur de la négation est aussi symbolique ; pour l'acquérir, il faudrait que le chien fût capable, par exemple, d'obéir à un ordre composé de l'ordre correspondant à une action et assorti d'une négation, c'est-à-dire qu'il s'arrête en entendant : « Ne pas marcher » ; il ne semble pas qu'on ait jamais pu apprendre cela à un chien (ni à un autre animal, d'ailleurs). Deux caractères de la négation sont ainsi mis en évidence : elle apparaît comme une forme pouvant porter sur des contenus différents ; elle ne porte ni sur des situations physiques ni sur des images mentales, mais sur des signes. Enfin, elle peut fonctionner comme signal sans que sa nature symbolique s'y épuise.

Le sens commun a une conception substantialiste de la négation. Comme le remarque Paul Gochet dans son Esquisse d'une théorie nominaliste de la proposition (1971), le sens commun « est réaliste et réduit toute signification à la dénomination ». À preuve le lexique. En vieux français, on disait : « Je ne le ferai mie, je ne le ferai point. » Or les mots « mie » et « point » désignent de petites choses, toutes petites, mais des choses quand même ; quant au mot « rien », il vient du latin rem, qui signifie « chose ». Gochet note que c'est Wittgenstein qui dans son Tractatus (5. 44) a condamné cette conception réaliste de la signification de la négation.

À rebours du sens commun, mais en parallèle avec lui, certains philosophes contemporains ont proposé une théorie ontologique de la négation. Pour Heidegger, le néant précède et rend possible la négation. Sartre reprend et développe cette conception dans le premier chapitre, « L'origine de la négation », de son ouvrage célèbre L'Être et le Néant (1943). Il écrit notamment : « Nous sommes environnés de néant. C'est la possibilité permanente du non-être, hors de nous et[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

Classification

Autres références

  • ABSOLU

    • Écrit par
    • 4 222 mots
    ...paraît requérir a priori une pensée identique, dans le cadre d'une logique univoque. Pour qui veut en préserver la pureté et la rigueur, l'absolu demeure négation radicale de toute relation, et ne peut qu'être altéré et contredit par des dogmatiques particulières qui tentent de lui donner une figure déterminée....
  • DIALECTIQUE

    • Écrit par et
    • 8 037 mots
    • 2 médias
    Est dialectique, donc philosophique, un exposé qui reconnaît ce procès comme tel, donc qui se soumet au travail du négatif : toute progression est déterminée par le négatif qu'elle contient. «  Omnis determinatio est negatio  » : toute détermination est une négation. Inversement, toute...
  • HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

    • Écrit par et
    • 11 852 mots
    • 1 média
    Si l'on baptise négation – par assimilation à un épisode du discours – le mouvement d'opposition active de l'une des déterminations catégoriales à l'autre, alors la réunification des opposés se présente comme une « négation de la négation », qui ne restaure pas simplement l'identité première, mais apporte...
  • LARUELLE FRANÇOIS (1937- )

    • Écrit par
    • 895 mots

    Élaborer une discipline, la non-philosophie, reposant sur un penser hétérogène à celui de la philosophie, mais prenant pour objet la philosophie elle-même : telle est l'ambition de l'œuvre de François Laruelle.

    Sa réalisation recoupe, pour les radicaliser, plusieurs philosophies...

  • Afficher les 10 références