NON-VIOLENCE
La non-violence peut être définie comme une doctrine de l'action collective qui préconise de ne pas recourir à la violence pour résoudre les conflits. Souvent confondue avec le pacifisme ou la résistance passive, la non-violence repose en réalité sur un rapport de forces, à travers la mise en œuvre de moyens de pression de nature politique, économique ou culturelle.
Le mot apparaît en français en 1920, en référence au combat de Mohandas Gandhi (1869-1948) pour la libération de l'Inde. Le nom même de Gandhi symbolise la non-violence au xxe siècle avec celui de Martin Luther King (1929-1968), leader du mouvement des droits civiques des Noirs américains. Mais l'histoire offre – avant et après Gandhi – d'autres exemples importants de résistance sans armes, formes diverses de résistance civile qui se sont développées en dehors de toute référence explicite à une doctrine de non-violence ; par exemple, les mouvements d'opposition dans l'ancien bloc communiste qui ont contribué à l'ouverture du Mur de Berlin en 1989.
Force des faibles, le succès d'un mouvement non violent surprend souvent l'observateur, eu égard aux moyens répressifs de l'adversaire. Cette conception de l'action obéit pourtant à certains principes stratégiques qui permettent de mieux en comprendre les réussites ou les échecs. Elle possède aussi d'évidentes limites face au génocide et à la guerre. De la diversité des pratiques non violentes se dégage une conception originale de la gestion du conflit, dont on peut tirer des enseignements pour une éducation à la non-violence.
Non-violence, action non violente et résistance civile
Sur le plan philosophique et éthique, la non-violence se présente comme une utopie créatrice, qui appelle tout à la fois une manière d'être avec l'autre et une manière d'agir dans le conflit, qui se fonde sur le respect de la personne. Cette utopie créatrice repose sur deux principes fondamentaux et indissociables :
– le refus de la violence, que Gandhi rattache pour sa part à la notion d'ahimsa, terme sanscrit composé du préfixe privatif a et d'un dérivé de la racine han, « nuire, faire du mal ». C'est probablement de ce terme que naît le mot « non-violence » en anglais puis en français au début des années 1920 ;
– la recherche d'une manière d'agir permettant de lutter sans violence contre la violence, dont Gandhi a voulu exprimer la nouveauté en forgeant le terme de satyagraha, « force de la vérité ».
Aussi le mot « non-violence » suscite-t-il de fréquents malentendus. Car si sa structure sémantique exprime clairement la première dimension (refus de la violence), elle n'évoque nullement la seconde (une manière d'agir). Or, si Gandhi a marqué l'histoire du xxe siècle, ce n'est pas pour avoir professé une doctrine condamnant la violence. Bien d'autres avant et après lui ont avancé des arguments ou théories dans le même sens, que ce soit pour des raisons religieuses, philosophiques ou purement tactiques. L'originalité du combat gandhien réside davantage dans son pragmatisme étonnant, dans ce qu'on peut appeler son idéalisme pratique, c'est-à-dire dans cette volonté d'expérimenter des méthodes de résistance sans violence.
Pour le politologue américain Gene Sharp, des expressions comme « action non violente », ou « combat non violent » permettent de lever l'ambiguïté précédente. En effet, les termes d'action ou de combat expriment un mouvement, une dynamique, tandis que l'adjectif « non violent » suggère une restriction. « Action non violente » renvoie ainsi à l'idée de la mise en œuvre d'une énergie collective qui, tout en se développant, cherche à se contenir, à se réfréner.
La notion plus large de « résistance civile » est utilisée[...]
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Écrit par
- Jacques SEMELIN : historien et politologue au C.N.R.S.
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