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NON-VIOLENCE

La non-violence comme gestion du conflit

De la diversité de ces exemples historiques se dégage une approche originale des rapports entre non-violence et conflit qui peut être résumée en quelques points :

– La non-violence est d'abord une praxis de résistance. C'est une manière de faire front contre la violence quand on n'a rien, quand on est pauvre, quand on est démuni. Elle se joue sur le fond de l'expérience humaine.

– La non-violence n'est pas la négation du conflit. Elle opère une distinction entre violence et conflit. Le conflit étant posé comme inhérent à la condition de l'homme et pouvant évoluer vers une configuration violente ou non violente, la non-violence est une approche spécifique du conflit qui vise à faire l'économie de la violence.

– La non-violence vise à éviter le conflit de personnes pour en faire un conflit autour de l'objet et de son partage. Le propre de la violence est en effet d'éloigner le conflit de son objet, voire d'en exprimer la vacuité, comme le montre René Girard. À l'inverse, la non-violence peut être définie comme un ensemble de procédés visant à recentrer le conflit sur son objet.

– Les procédés non violents reposent simultanément sur la tentative de trianguler le conflit entre les protagonistes. Ils visent ainsi à la construction ou à la restauration d'un ordre symbolique commun qui est seul à pouvoir garantir une négociation. De ce fait, le conflit peut évoluer vers la recherche d'un compromis. Dans la non-violence, il n'y a ni vainqueur ni vaincu, mais l'établissement d'un accord au terme duquel chaque partie doit, par le détour du droit, trouver son compte.

– Mais si le conflit s'exacerbe et se polarise en un antagonisme radical amis/ennemis, l'efficacité de la non-violence paraît vaine. Tel est notamment le cas de figure de la guerre. Il devient alors difficile ou impossible de casser l'engrenage de la violence, à moins de recourir à une contre-violence qui soit de nature à faire cesser l'affrontement. En ce sens, des procédés violents et non violents peuvent parfois, paradoxalement, se compléter pour restaurer la paix.

Certains pédagogues et enseignants ont commencé à jeter les bases d'une éducation à la gestion non violente des conflits, qui s'inspire de tels principes. Ils partent de l'idée que la non-violence n'est pas réservée à des « saints » ou à une élite mais qu'elle repose sur des traits culturels spécifiques qui peuvent être développés dès l'enfance. Parmi ceux-ci, ils insistent sur l'apprentissage de l'écoute de l'autre, de l'expression de ses propres sentiments, du sens de la médiation et de la négociation, enfin de la capacité à établir des règles communes. L'U.N.E.S.C.O. encourage aujourd'hui une telle approche éducative. Le 10 novembre 1998, l'Assemblée générale des Nations unies a décidé de faire des années 2000-2010 la décennie de la « culture de la paix et de la non-violence pour les enfants du monde ».

— Jacques SEMELIN

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Dernier hommage à Gandhi, 1948 - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Dernier hommage à Gandhi, 1948

Nehru et Gandhi, 1946 - crédits : Central Press/ Getty Images

Nehru et Gandhi, 1946

Tolstoï - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Tolstoï

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  • ALTERMONDIALISME

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