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PIERLOT NORBERT (1919-1979)

« Où aboutira Pierlot, il est trop tôt encore pour le prévoir », écrivait Yves Bonnefoy en 1976. C'était dans le catalogue de l'exposition consacrée à Ratilly, au musée des Arts décoratifs de Paris. Yves Bonnefoy, le poète, était l'ami de Norbert Pierlot, le potier, dont il voyait inaugurer le temps d'une nouvelle expérience, dont il voyait commencer l'œuvre, entre sculpture et poterie.

Monumentale, cette poterie nouvelle renouait avec l'esprit des hautes jarres anciennes, mais leur forme seule devait leur donner sens ; poteries déliées de l'utile, vases faits pour ne rien contenir mais fidèles à la nature de la poterie : entourer le vide.

Venu du théâtre, et de Lyon, Norbert Pierlot était devenu potier en Bourgogne. En près de trente ans d'un incessant dialogue avec l'argile de Puisaye, l'acteur qui, un jour, eut un coup de foudre pour le château en ruine de Ratilly, y avait trouvé une seconde nature. Comme s'il avait fini par se fondre dans la terre pour lui donner vie, selon l'étonnante alchimie de son art.

Les hautes poteries montrées aux Arts décoratifs marquaient le délicat passage entre l'art et l'artisanat, entre la production de l'objet de luxe, dont la forme doit rester au service de la fonction, et la création d'œuvres, dont la forme est l'unique fonction.

Son nouvel atelier, petite maison qu'il avait choisie à l'écart de Ratilly afin de n'y être pas dérangé, venait d'être achevé et, quelques mois avant sa mort, Pierlot le faisait visiter aux stagiaires de l'été. Des poteries-sculptures de précédentes saisons y donnaient déjà l'esprit, semblaient attendre celles que Norbert Pierlot se jurait de faire pendant l'hiver.

Absorbé par la préparation des importantes expositions qui, chaque été, animaient les salles autour de la cour intérieure du château, pris par de multiples activités liées à la poterie de Ratilly, aux stages, à l'animation de l'Association des Amis de Ratilly, à la vie communale, Pierlot, depuis l'exposition de 1976, avait négligé ses recherches personnelles. Parce qu'il avait de la peine à s'enfermer dans l'égoïsme nécessaire à la création artistique, parce que l'exercice de l'amitié avait pour lui toute la force d'une éthique.

Il avait enfin résolu de se consacrer davantage à cette nouvelle voie : explorer la transition qui conduit de la poterie à la sculpture. Mais il n'a pas eu la possibilité d'aller plus loin.

Les Pierlot avaient acheté le château de Ratilly en 1951 et s'étaient attachés à le remettre en état. « Un simple quadrilatère de bâtiments, ponctué à ses angles de quatre tours cylindriques coiffées en poivrières et souligné par des fossés avec, au centre de sa face sud principale, deux tours supplémentaires [...] ; au centre, une simple cour, ni petite ni démesurée, tel est Ratilly » : c'est ainsi dom Angelico Surchamp dresse le portrait de cette architecture à la fois noble et simple. La cour fermée, sur laquelle n'ouvre que le porche qui troue la façade au-delà de ce qui fut un pont-levis, dessine un espace spirituel comme celui des cloîtres.

Ce charme, cet « esprit de Ratilly », est aussi attesté par les artistes – le plus souvent des amis – qui y exposèrent : Calder, Bazaine, Ubac, Vieira da Silva, Sima, Geer van Velde, Chillida, Szenès, Geneviève Asse, Étienne-Martin, Bokor... Sans compter les acteurs et musiciens qui participèrent aux Fêtes de solstice : Jean-François Paillard, le mime Marceau, le clown Dimitri, les Percussions de Strasbourg, Maria Casarès, Jean-Louis Barrault, le Quatuor Parrenin. Cet esprit de Ratilly fut l'œuvre conjointe de Norbert et Jeanne Pierlot.

Des stages estivaux de poterie y furent dès l'abord conçus comme des foyers pédagogiques où on apprend moins[...]

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