NORD-PAS-DE-CALAIS
Aux origines de l'identité régionale
Une construction territoriale particulière
La frontière franco-belge a coupé un réseau urbain et un peuplement très denses depuis le milieu du Moyen Âge. Lors de la conquête des Gaules, la population était déjà suffisamment nombreuse pour opposer une rude résistance à César. (Les plus anciens fossiles humains de la région remontent à — 700000, la présence de l'Homo sapiens est attestée vers — 38000, les débuts de l'agriculture vers 3700 av. J.-C.) Les Romains organisèrent le territoire en cités correspondant aux anciennes tribus gauloises (Atrébates, Morins, Nerviens et Ménapes) et firent de leurs chefs-lieux les premières villes. Le pays, profondément rural, était cependant encore incomplètement latinisé et christianisé lorsque s'y installèrent les Francs (fin du iiie siècle). Un de leurs chefs, Clovis, en partit deux siècles plus tard pour se tailler un royaume. De ce passé mérovingien subsiste un parler flamand, dérivé de la langue franque. (La frontière linguistique, primitivement établie du sud de l'Artois à la Lys, était déjà remontée jusqu'à l'Aa au moment de la conquête française ; il n'y a plus que la partie ouest de la Flandre française – le Westhoek – qui soit encore bilingue aujourd'hui.) Quant au partage de l'empire franc en 843, il fit de l'Escaut, voie naturelle de communication avec la mer, une frontière majeure, séparant pour près de six cents ans le Hainaut et le Cambrésis, terres impériales, de la Flandre et l'Artois, sous suzeraineté française. Il arriva qu'un même personnage régnât sur ces territoires, mais leur destin n'est devenu définitivement commun qu'à partir du xve siècle.
Les invasions normandes, que les rois de France furent impuissants à contenir, précipitèrent la reconstitution, en Flandre, d'un pouvoir politique et militaire autour d'un puissant lignage de comtes, quasi autonomes dès le xe siècle. Ceux-ci s'appuyèrent sur une renaissance économique plus précoce que dans le reste du pays. Le défrichement des forêts, le drainage des marais et des vallées humides, la mise en labour des terres lourdes limoneuses, l'assèchement des plaines maritimes et une réelle avance agronomique permirent un essor agricole et démographique considérable. Villes nouvelles (Lille, Saint-Omer) et villes anciennes revigorées (Arras, Boulogne) tirèrent leur prospérité des activités textiles et du commerce international. Elles obtinrent des privilèges politiques et militaires considérables et devinrent des puissances auxquelles comtes et rois s'affrontèrent ou avec lesquelles ils durent composer durant plusieurs siècles. L'histoire médiévale, ici très troublée, s'acheva dans un climat de crise climatique, économique et sociale, de violences et de mortalité ravageuse (peste noire, guerre de Cent Ans, révoltes urbaines...).
La maison de Bourgogne avait rassemblé sous son autorité la totalité des anciens Pays-Bas, de l'Artois à la Hollande, et entrepris de les faire sortir de l'orbite française. Le mariage de la fille de Charles le Téméraire avec l'empereur Maximilien les fit passer, en 1477, à la maison de Habsbourg, qui commença leur organisation en un État unique, mais respectueux de la plupart des particularismes provinciaux. Après la révolte des « Gueux » en 1568 contre Philippe II d'Espagne, plusieurs années de guerre conduisirent, en 1579, à une partition entre les Provinces-Unies au nord, indépendantes et protestantes (Union d'Utrecht), et les Pays-Bas espagnols au sud, catholiques et autonomes de fait sous le gouvernement d'archiducs siégeant à Bruxelles (Union d'Arras). À peine la prospérité fut-elle retrouvée que la région, redevenue frontière, subit les assauts des Français, décidés à en faire « un boulevard[...]
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Écrit par
- Pierre-Jean THUMERELLE : professeur des Universités, université des sciences et technologies de Lille (Lille-I)
Classification
Médias
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