GRANZ NORMAN (1918-2001)
Il ne jouait d'aucun instrument mais son rôle fut essentiel dans l'immédiat après-guerre. Offrir les meilleurs solistes aux principales scènes du monde, apporter au jazz à la fois une reconnaissance nouvelle et une audience élargie, lancer d'audacieuses maisons de disques et lutter sans relâche contre toute ségrégation raciale, tels sont les moindres titres de gloire de Norman Granz.
Norman Granz naît le 6 août 1918 à Los Angeles. Dès 1937, il se passionne pour le jazz. Grâce à un flair remarquable et à un sens des affaires qui ne l'est pas moins, il se fait très vite une place au soleil. Il ne peut avoir manqué le concert – radiodiffusé le 18 janvier 1944, puis reporté sur V-Disc – qu'organise la revue Esquire au Metropolitan Opera de New York ; celui-ci rassemble en effet Roy Eldridge, Jack Teagarden, Barney Bigard, Coleman Hawkins, Art Tatum, Oscar Pettiford, Sidney Catlett, Al Casey, Lionel Hampton, Red Norvo, Benny Goodman, Teddy Wilson et Mildred Bailey. C'est à son image qu'il ose, l'après-midi du 2 juillet 1944 au Philharmonic Auditorium de Los Angeles, le premier de ses illustres concerts, Jazz At The Philharmonic, avec notamment Nat King Cole (piano), Illinois Jacquet (saxophone ténor), Red Callender (contrebasse) et Jay Jay Johnson (trombone).
La recette des J.A.T.P. est simple : rassembler des musiciens – qui ne sont revendiqués ni par les traditionalistes ni par l'avant-garde – au cours de jam-sessions débridées où chacun peut donner libre cours à son tempérament. On improvise, sur des thèmes de blues connus ou des standards éprouvés, dans des solos beaucoup plus longs que de coutume. L'ambiance est plus au rythme survolté et à la compétition sans limite qu'au raffinement et à la délicatesse. Immense et glorieuse est la liste de ceux qui ont succédé aux précurseurs : les saxophonistes Willie « The Lion » Smith, Charlie Ventura, Charlie Parker, Benny Carter, Cannonball Adderley, Johnny Hodges, Illinois Jacquet, Lester Young, Coleman Hawkins, Joe « Flip » Phillips, Ben Webster, Don Byas et Stan Getz, les trompettistes Howard McGhee, Joe Guy, Charlie Shavers, Buck Clayton, Dizzy Gillespie et Roy Eldridge, les trombonistes Trummy Young, Jay Jay Johnson et Bill Harris, le clarinettiste Buddy DeFranco, les pianistes Nat King Cole, Hank Jones, Oscar Peterson, Meade « Lux » Lewis, Bud Powell et Thelonious Monk, les guitaristes Barney Kessel et Herb Ellis, les batteurs Gene Krupa, Buddy Rich, Jo Jones et Louie Bellson, le contrebassiste Ray Brown, le vibraphoniste Lionel Hampton, les chanteuses Billie Holiday et Ella Fitzgerald, les big bands de Duke Ellington et de Count Basie... Pour la première fois, des concerts de jazz sont intégralement publiés au disque. La formule a certes ses inconvénients – effets spectaculaires, longueurs inutiles, dictature excessive des souffleurs, siffleurs et hurleurs, fébrilité parfois factice – mais aussi d'incontestables points forts : la spontanéité, l'humour, le swing. Très vite le succès est là, notamment auprès du nouveau public jeune qui ne fréquente ni les clubs ni les pistes de danse. Après avoir conquis les États-Unis et le Canada, le J.A.T.P. s'exporte en Europe (1949), au Japon (1953) et en Australie (1954). Il n'arrêtera ses tournées qu'en 1967.
Norman Granz a cependant d'autres centres d'intérêt. Il est directeur technique d'un remarquable court-métrage, Jammin' the blues, réalisé en 1944 par Gjon Mili, où l'on peut voir et entendre Lester Young, Illinois Jacquet, Harry Edison, Barney Kessel, Red Callender, Joe Jones, Sid Catlett, Mary Bryant... Avec George Wein, il est, de 1945 à 1975, le principal pourvoyeur des festivals et concerts de jazz de tous les continents. Il crée plusieurs firmes de disques : Clef (1946) et Norgran (1953), qui donnent naissance à l'illustre Verve en 1956[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média