ROCKWELL NORMAN (1894-1978)
Norman Rockwell est, de très loin, l'illustrateur le plus populaire qu'aient connu les États-Unis. Il est né à New York en 1896 et mort à Stockbridge en 1978. Pendant soixante ans, il collabore régulièrement au Saturday Evening Post, hebdomadaire pour lequel il réalise plusieurs centaines de couvertures, au Boy's Life, l'organe des scouts américains et, plus irrégulièrement, à Look et à Life, aujourd'hui disparu ; il a illustré également de nombreux ouvrages et exécuté des affiches. En 1975, une exposition rétrospective de son œuvre a lieu à la galerie Danenberg, à New York (Norman Rockwell, soixante ans de rétrospective, catalogue, texte de Thomas S. Buechner, Éditions du Chêne, Paris). Après avoir reçu l'adhésion sans réticence du grand public, il est enfin reconnu par les critiques d'art qui l'avaient longtemps boudé et lui avaient préféré les productions issues des grands courants de la peinture européenne. L'apparition de l'hyperréalisme, il est vrai, appelait de nouveaux rapprochements... La tendance à la représentation minutieuse de la réalité fait partie intégrante de la jeune tradition américaine : Charles Marion Russell, Grant Wood, Irving R. Bacon, Edward Hopper, Andrew Wyeth ont été des « imagiers » de la vie américaine avant ou en même temps que Norman Rockwell. Ce dernier se distingue néanmoins de ses prédécesseurs et de ses contemporains par l'esprit de ses compositions. Il se montre avant tout comme un peintre de la vie urbaine et il insiste moins sur la spécificité du phénomène américain qu'il ne souligne le lien de filiation qui unit son pays à l'Angleterre. Ses cartes de vœux, ses couvertures du Saturday Evening Post pour les fêtes de fin d'année expriment cette présence de la « patrie originelle ». Elles semblent être des illustrations des œuvres de Dickens dont la lecture avait bercé son enfance. Dans ses œuvres picturales, il aime à représenter les scènes de la vie anglaise au xviie siècle ou l'atmosphère des villes américaines à leur naissance, lorsqu'elles reflétaient encore le mode de vie du pays que les nouveaux occupants venaient de quitter.
Il y a chez Rockwell un talent certain de caricaturiste, mais ses représentations soulignent moins les défauts qu'elles ne conjurent le lien qui pourrait être établi entre les imperfections physiques et les tares morales qui leur sont souvent associées. La gaucherie de ses personnages n'en souligne que mieux leur rectitude morale et leur vulnérabilité affective. Ce sont de « bonnes et honnêtes » personnes. À travers chaque individu, campé dans l'activité la plus humble, il dégage une sorte de dénominateur commun de la vie américaine. Ces « petites vies » sont vues comme à la loupe. Elles nous donnent l'illusion d'être surprises dans leur intimité ; elles semblent tellement représentatives qu'elles prennent valeur de symboles.
Le dessin de Norman Rockwell n'a cessé, au cours des années, d'aller vers plus de précision. On a parlé, à son propos, d'art photographique. Or il ne s'est servi de la photographie qu'à partir de 1937. Ses personnages, grâce à un trait incisif, sont toujours mieux cernés, beaucoup plus présents que dans n'importe quel instantané. Il nous donne le sentiment presque palpable de la durée. Cette intensité de la représentation renforce chez le spectateur la sensation d'exister – et d'exister en tant que membre d'une communauté où toutes les relations sont de sympathie.
Rockwell se révèle un prodigieux initiateur au mode de vie américain en ne retenant de ce dernier que l'aspect positif. Pourtant, les limites de son « unanimisme » s'expriment parfois par des « absences » significatives. Dans l'arbre généalogique de l'« Américain moyen » réalisé par le [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
Classification
Autres références
-
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques
- Écrit par François BRUNET , Éric de CHASSEY , Encyclopædia Universalis et Erik VERHAGEN
- 13 464 mots
- 22 médias
...marquantes). Mais il apparaît rapidement que les illustrateurs et publicitaires professionnels sont mieux armés pour cette tâche, où se distinguent notamment Norman Rockwell, qui publie alors quelques-unes de ses couvertures de magazine les plus connues, ou le photographe de guerre Robert Capa, qui met au...