NORMANDIE, région administrative

La Normandie parisienne

La proximité de Paris constitue la troisième grande composante de la Normandie. Elle a pesé sur toute l'histoire de la province, plus particulièrement depuis le rattachement du duché au domaine royal en 1204. Du fait de cette proximité, les produits de l'élevage normand trouvèrent de bons débouchés à Paris à partir du xviii^e siècle principalement, de même que la marée fraîche de Dieppe. Après la Seconde Guerre mondiale, un fort courant d'émigration vers la région parisienne toucha l'ensemble des campagnes normandes. La décentralisation industrielle des années 1960 trouva des terrains d'implantation fort commodes dans la vallée de la Seine et dans des villes comme Évreux, Lisieux, Argentan et surtout Caen. Le Havre est très naturellement le grand débouché maritime de la région parisienne, en concurrence avec Anvers. L'inégale proximité de Paris explique en grande partie la césure entre une Normandie occidentale, bien caractérisée par le département de la Manche, éloignée de Paris et relativement isolée, et une Normandie centrale et orientale, autour de Caen et de la basse vallée de la Seine, à moins de deux heures de la capitale. Les deux grands axes qui structurent la géographie de la Normandie convergent vers Paris : la vallée de la Seine et l'axe Évreux-Lisieux-Caen-Cherbourg... Rouen, grande ville médiévale, longtemps la deuxième du royaume, souffre même maintenant d'une trop grande proximité avec Paris, tout en en profitant. En dépit de ses 658 200 habitants dans l'aire urbaine en 2012, étouffée culturellement et administrativement par Paris, la capitale de la Haute-Normandie n'avait pas été placée, dans les années 1960, parmi les « métropoles d'équilibre » de l'aménagement du territoire français. Elle obtient cependant, en 2015, le statut de chef-lieu de la nouvelle région Normandie.

Une grande partie de la Normandie vit en symbiose étroite avec la région parisienne, notamment depuis l'arrivée du chemin de fer à la fin du xix^e siècle. La haute société parisienne inventa les stations luxueuses de la côte Fleurie, de Cabourg à Deauville. Proust, le Parisien, créa littérairement Balbec tel un grand mythe, comme Flaubert, le Rouennais, l'avait fait de Yonville. Les peintres impressionnistes découvrirent les lumières subtiles de la côte normande et firent de l'estuaire de la Seine, entre Honfleur et Sainte-Adresse, un espace devenu un sujet et un modèle.

La symbiose se poursuit de nos jours, même si elle prend de nouvelles formes. L'inégal développement industriel, d'est en ouest, se traduit par une évolution de la population allant dans le même sens. L'est de la Normandie, plus particulièrement la bordure des départements de la Seine-Maritime, de l'Eure et de l'Orne, se trouve aux confins de la région parisienne – la capitale n'est qu'à 100 ou 130 kilomètres, distance très accessible pour des résidents secondaires, des retraités, de petits établissements industriels, des artisans et même des salariés travaillant à Paris. La vague des résidences secondaires s'étend beaucoup plus profondément, sur toute la Normandie, notamment à proximité des côtes. Le nord du pays d'Auge, entre Caen et Le Havre, et dans l'arrière-pays de la côte Fleurie, est devenu un lieu privilégié pour ces résidences. Le « Parisien » (même lorsqu'il ne l'est pas, il lui suffit de ne pas être normand) et, éventuellement, l'« Anglais » sont des personnages familiers de la Normandie contemporaine. Et il n'est pas jusqu'aux grandes villes normandes, Caen, Rouen et Le Havre, qui ne puissent être maintenant considérées par les aménageurs comme des relais de la région parisienne, formant une métropole à trois têtes pour équilibrer Paris vers l'ouest.