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NORMANDIE

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Un pays conservateur (XIXe-XXe siècle)

Depuis la chute de l'Ancien Régime, l'histoire normande présente peu d'originalité. Les Normands mirent peu de zèle, après 1790, à participer aux grands épisodes de la Révolution. L'insurrection « fédéraliste » – plus exactement légaliste et girondine – de l'été 1793 se localisa dans l'Eure et le Calvados, plutôt en raison de leur proximité de Paris, que par un effet de l'opinion locale, qui s'en désintéressa ; ce fut d'ailleurs un fiasco. Le geste de Charlotte Corday, jeune républicaine partie de Caen pour tuer Marat, exprime mieux l'exaspération normande en face de tous les extrémismes.

Utilitarisme et goût du « juste milieu »

Le seul mouvement qui puisse toutefois revendiquer une large adhésion populaire, surtout dans les bocages, fut la chouannerie, moins royaliste sans doute qu'ennemie des réformes, des assignats et de la conscription. Nulle part la Terreur ne fut vraiment très sanglante, mais les biens nationaux trouvèrent sans peine une multitude d'acquéreurs. L'interruption durable du trafic maritime – qui valut aux îles, par la contrebande, une belle prospérité – et la ruine de tant de monuments religieux, démolis par utilitarisme plus que par fanatisme, marquent les années sombres qui succédèrent à l'élan enthousiaste des premières réformes.

Divisée en cinq départements, qui sauf celui de l'Orne (annexant la moitié du Perche) respectaient ses anciennes limites, la Normandie perdit toute originalité institutionnelle, toute organisation commune, quoique la coutume soit invoquée dans des actes jusque fort avant dans le xixe siècle. Elle trouva son compte à presque tous les régimes d'ordre : Consulat, Restauration, monarchie de Juillet, second Empire, IIIe République de l'ordre moral.

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Peu militaire et de surcroît maritime, la Normandie apprécie peu le premier Empire, surtout sur sa fin. Les hommes politiques normands ont en majorité tracé leur voie dans le « juste milieu », sous les différents régimes, avec une nuance particulière de respect pour la réussite économique. Normands de naissance ou d'adoption, Guizot, les ducs de Broglie, Pouyer-Quertier, Waddington expriment les divers aspects de cette tendance durable. Les poussées de libéralisme qu'incarnent Dupont de l'Eure (du Neubourg) ou Armand Carrel (de Rouen) furent plus éphémères. Seules quelques régions de la Seine-Inférieure (auj. Seine-Maritime) et de l'Eure crurent aux promesses du radicalisme après 1877. Le développement industriel de Rouen, d'Elbeuf, du Havre posa de cruels problèmes sociaux, mais n'eut guère de répercussions politiques en une province toujours dominée par les intérêts ruraux et bourgeois.

Pourtant la Normandie ne restait pas inerte, mais elle appliquait son zèle à d'autres entreprises dont elle voyait mieux l'utilité. Fresnel, qui inventa les phares modernes, Augustin Normand, l'un des initiateurs de l'hélice navale, représentent bien la face scientifique de ce mouvement. Arcisse de Caumont (1802-1873), créateur de l'archéologie médiévale, géologue et animateur du renouveau agronomique, en résume la face érudite. Flaubert et Maupassant en illustrent l'aspect littéraire, suivis par Barbey d'Aurevilly, et, de bien plus loin, par Casimir Delavigne, tandis que J.-F. Millet, E. Boudin et le portraitiste jersiais sir John Millais représentent l'aspect artistique.

Décadence économique

Malgré deux très grandes villes, Rouen et Le Havre, et malgré l'essor de Cherbourg, port de guerre qui devait sa prospérité à la violence des tensions franco-anglaises, la Normandie de la IIIe République se laissait distancer dans l'ordre économique. La prospérité de l'agriculture – un peu factice, car elle devait beaucoup à un protectionnisme à courtes vues – et celle de la vie balnéaire masquaient le vieillissement des industries, la décadence démographique, les ravages de l'alcoolisme. Caen, Falaise, Avranches, Valognes s'endormaient dans une quiétude menaçante. Elbeuf, Louviers, Alençon, Flers perdaient les marchés de leurs industries textiles. On laissait les îles s'éloigner définitivement de la culture française. Née à la veille de 1914, la métallurgie de Caen ne suffisait pas à redresser une situation rendue encore plus préoccupante par la saignée de 1914-1918.

Après la Seconde Guerre mondiale

Jour J : le débarquement de Normandie, 1944 - crédits : National Archives

Jour J : le débarquement de Normandie, 1944

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C'est alors que survint la Seconde Guerre mondiale. La Normandie, sauf des défilés militaires en 1815 et des combats infimes en 1871, n'avait pas connu la guerre étrangère sur son sol depuis 1450. En 1940, presque toutes les villes de sa moitié orientale souffrirent lourdement de l'avance allemande (Rouen, Gisors, Évreux, etc.). Et surtout, en 1944, elle fut le champ de bataille des deux plus formidables armées que le monde eût encore vues. Des troupes américaines, britanniques, canadiennes, polonaises et françaises vinrent donner l'assaut, de l'Orne à la Hougue, au « mur de l'Atlantique », édifié, l'année précédente, par une main-d'œuvre raflée dans toute l'Europe asservie et défendu par les Allemands. Un port tout construit fut remorqué à travers la Manche jusqu'au rivage d'Arromanches, un pipe-line traversa la mer jusqu'à Cherbourg. Les plaines de Caen et de Falaise virent les plus sauvages combats de chars, dont les Britanniques portèrent le poids principal, et les bocages de l'Ouest une guerre de haies acharnée, mais plus rapide, menée par les Américains sous une couverture aérienne écrasante. Après de longs piétinements, du 6 juin au début d'août, le front allemand fut tourné. Les déroutes de Mortain, de la poche de Chambois, du passage de la Seine marquèrent la fin de l'armée allemande de l'Ouest. Mais presque toutes les villes, sauf Cherbourg, Bayeux, Alençon et Bernay, avaient péri sous les bombes, ainsi que des centaines de villages. La crise, heureusement, fut brève, achevée au début de septembre par la prise du Havre ; seules les îles restèrent aux mains des Allemands jusqu'à l'armistice de mai 1945.

Omaha Beach, 6 juin 1944 - crédits : John Parrot/ Stocktrek Images/ Getty Images

Omaha Beach, 6 juin 1944

Parachutistes au repos à Sainte-Mère-Église, juin 1944 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Parachutistes au repos à Sainte-Mère-Église, juin 1944

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L'ampleur gigantesque des dégâts pouvait faire craindre le pire. Heureusement l'élan de la reconstruction – qui prit plus de quinze années – se prolongea par une vigoureuse poussée démographique.

— Lucien MUSSET

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Abbaye de Jumièges - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Abbaye de Jumièges

Normandie, X<sup>e</sup>-XI<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

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