NORME ET USAGE (linguistique)
La diversité des usages de la langue
C'est précisément le postulat de l'homogénéité de la langue que rejette la sociolinguistique, qui cherche à caractériser au sein de la langue les points de variabilité non aléatoires – au niveau de la phonie, de la morphologie, de la syntaxe, du lexique –, c'est-à-dire à inscrire dans la langue elle-même la diversité des usages, entendus comme autant de sous-systèmes. On appellera alors « usage » l'ensemble des règles de grammaire, plus ou moins stabilisées, utilisées par le plus grand nombre de locuteurs à un moment donné dans un milieu social déterminé.
Si, pour l'essentiel, la linguistique a privilégié l'homogénéité de la langue (entendue comme construit théorique) aux dépens de l'hétérogénéité des usages, il convient d'ajouter par ailleurs que, s'agissant plus spécifiquement du français, un certain nombre de facteurs historiques et politiques ont contribué à en faire une langue fortement standardisée et normée. La standardisation consiste à valoriser l'uniformité comme état idéal de la langue, identifié au registre de l'écrit soutenu. Le français standard, donné comme la forme par excellence de la langue – voire comme la seule – ne représente en fait qu'un usage parmi d'autres ; mais c'est l'usage qui, étant donné comme norme, se trouve valorisé au dépens de tous les autres. L'intériorisation par les locuteurs des contraintes liées à cette norme subjective (le bon français) induit fréquemment des phénomènes d'hypercorrection, par exemple l'emploi du subjonctif avec « après que ». À cet égard, on ne saurait sous-estimer le poids du purisme et de l'idéologie du standard, dont témoignent les fréquentes croisades pour la défense de la langue française et de son « génie », ainsi que le thème récurrent du français en crise. Comme le note Françoise Gadet dans La Variation sociale en français (2003), « c'est de ce bain normatif que vient le goût des Français pour les chroniques de langue, les dictionnaires et les championnats d'orthographe ».
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Écrit par
- Catherine FUCHS : directrice de recherche émérite au CNRS