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NOTABLES

Crise et restauration des notables (1848-1870)

Si les notables ont paru perdre le pouvoir en février 1848 face aux ouvriers parisiens alliés aux capacités, ils ont réussi relativement vite à inverser la tendance en soutenant la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, triomphalement élu président le 10 décembre 1848 par une majorité rurale contre les candidats républicains rendus responsables de la crise économique et sociale et de l'alourdissement de la pression fiscale.

Le retour en force politique des notables à partir de la fin de 1848 s'appuie sur deux forces sociales : celle, traditionnelle, tirée de leur domination antérieure sur les classes populaires des régions aux structures les plus archaïques et celle, nouvelle, d'union des factions orléanistes et légitimistes qui se déchiraient autrefois. Ce front commun de la propriété leur permet de se présenter aux paysans propriétaires désemparés et mécontents comme les vrais remparts de l'ordre et le gage de la prospérité contre les « partageux ».

Cependant, les élections législatives de mai 1849, avec le succès relatif des démocrates socialistes dans les campagnes (un tiers des voix et 220 députés environ), confirment la fin de la soumission aux notables dans certaines régions et certaines couches rurales. Le parti de l'ordre va alors s'employer pendant deux ans (1849-1851) à conjurer cette nouvelle menace. Il cherche à faire rentrer le peuple dans le rang en forgeant de nouveaux instruments de domination : procès de presse, répression de toute vie associative, encadrement idéologique des futures générations avec l'aide de l'Église (loi Falloux de 1850 sur la liberté de l'enseignement qui profite surtout à l'enseignement catholique), épuration du corps électoral des indésirables (ouvriers et paysans migrants).

L'ampleur de la résistance rurale au coup d'État du 2 décembre 1851 va justifier à la fois l'autoritarisme du nouveau régime et le ralliement des notables pourtant attachés au parlementarisme. Le régime de Napoléon III a besoin de l'ancienne classe dirigeante pour fonder durablement son pouvoir. C'est pourquoi les membres des classes dirigeantes par héritage familial dominent largement les élites du second Empire, même si quelques parvenus, industriels ou financiers présents au gouvernement, peuvent donner le change. Localement, les éléments traditionnels de pouvoir des notables gardent toute leur importance. Conseillers généraux ou maires, parfois choisis comme candidats officiels, les notables, après avoir retrouvé dans la plupart des régions le monopole des pouvoirs qui faisait leur force avant 1848, ont l'impression d'avoir arrêté l'histoire et d'être en passe de réaliser la société rurale idéale : hiérarchisée mais ouverte au progrès économique et protégée des influences néfastes de la ville.

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