NOTATION MATHÉMATIQUE
Le formalisme algébrique
La syntaxe des formules algébriques
Les langues naturelles doivent leur structure syntactique à un amas chaotique de moyens de flexion, de subordination, de conjonction, de ponctuation, de mélodie et de rythme. Mais, très souvent, la structure syntactique s'explique par le sens et non par des critères formels. « Mathématique et langue française » et « langue et littérature françaises » ont la même structure formelle, mais le sens indique des structures syntactiques différentes.
Dans le langage des expressions algébriques, on s'efforce d'exprimer complètement la structure par des moyens formels, dont les plus importants sont les parenthèses, crochets et accolades : (a + b).c est aussi plein de sens que a + b.c, et on a besoin de pouvoir les distinguer.
Le système des règles pour la succession des opérations est plus compliqué qu'on ne pense et que ne le veulent certains vers mnémotechniques. Pour des sommes algébriques telles que :
la règle est que tout se fait dans l'ordre où cela est écrit, autrement dit tout se passe comme si toutes les parenthèses ouvrantes étaient placées à gauche. Pour l'addition, qui est associative, toute règle est superflue, tandis qu'il est convenu que :doit être lu comme :Ce principe de l'ordre linéaire est si naturel que, avant l'usage de parenthèses, on structurait des expressions algébriques au moyen de déviations par rapport à l'ordre linéaire. Par exemple, Descartes écrit (Œuvres, édition Adam et Tannery, vol. VI, p. 415) :
C'est une méthode qu'on trouve déjà chez Viète ; parfois il emploie des crochets placés d'un côté ou même des deux côtés d'une expression algébrique. Le principe de structure par rupture de l'ordre linéaire est plus ancien ; il est à l'origine de cette notation des fractions que l'on doit aux Indiens.
Un autre moyen formel de structure a été la barre horizontale, servant à agréger les termes ; Descartes fut le premier à l'employer à profusion. L'usage de cette barre s'est conservé jusqu'à la fin du xixe siècle dans des expressions telles que n + 1. Parfois, des accolades horizontales ont la même fonction. Le dernier vestige de cette écriture est la barre du signe de racine √ a + b ; la barre qui indique la conjugaison complexe est fonctionnelle plutôt que syntactique. La paire de parenthèses ne remplaça pas d'emblée la barre. D'abord employée par Stifel (dans ses manuscrits, 1544), elle prévalut grâce à Leibniz.
Le plus ancien des principes structurels formels est celui selon lequel certaines opérations en précèdent d'autres. Le principe selon lequel la multiplication crée une liaison plus étroite que l'addition et la soustraction est attesté dès les textes cunéiformes. Il est, en effet, bien naturel de traiter la multiplication comme une dénomination (2 × 6, c'est deux sixaines), même si l'on rejette des abus didactiques (2a + 3a = 5a, parce que 2 vaches + 3 vaches = 5 vaches). Cette interprétation de la multiplication fut historiquement suggérée par le langage des équations où, dès le début, un problème tel que x2 + 21 = 10 x était formulé sous la forme « une chose-carré plus 21 égale 10 choses ». À partir des premières formules algébriques, il ne fut jamais douteux que la multiplication précédait l'addition et la soustraction, en particulier si on indiquait la multiplication par juxtaposition ; il en fut de même quand la multiplication fut exprimée par un signe explicite, par exemple chez Viète qui employait en général le mot in en tant que symbole de multiplication. Dès la notation exponentielle de Descartes pour les puissances, il devient aussi évident que l'opération exponentielle précède l'addition, la soustraction et la multiplication.
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Écrit par
- Hans FREUDENTHAL : professeur à l'université d'Utrecht, directeur de l'Institut pour le développement de l'enseignement mathématique
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Média
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