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PAYS NOTION DE

Diois, Baronnies, Cerdagne, Grands Causses, Auvergne..., France, de quel « pays », de quelle échelle veut-on ou entend-on parler dans l'analyse géographique ? Dans l'usage courant, les habitants se réfèrent à différents espaces vécus, bien qu'il y ait une hiérarchie entre eux : un pays suprême, la nation, et l'endroit où l'on est né, celui où l'on vit, celui dont on se dit. Sans minimiser l'importance du premier sens, l'approche géographique a donné et donne encore une place importante au second dans une approche sociale et culturelle des processus de construction des référents territoriaux par les habitants. En privilégiant cette échelle de l'unité de vie, d'action et de relation, les géographes utilisent le terme pays dans un sens proche de la notion de territoire. Ce rapprochement conceptuel date du début des années 1980.

Le pays est une notion que l'on retrouve également dans l'engagement des citoyens, des politiques, des militants, des scientifiques. Pourquoi un tel engouement, si ce n'est que nous avons affaire à une transcription de l'idée d'espace vécu, approprié ? Et pourquoi une telle permanence au cours du temps ?

Le pays, un outil du politique

Le terme de pays est issu du latin médiéval pagensis qui, jusqu'à la fin du ixe siècle, désigne l'habitant du pagus (petite unité rurale), le compatriote, le campagnard. Il désigne ensuite un territoire, « une région géographique habitée, plus ou moins nettement délimitée » (Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, 1998). Il y a confusion entre un lieu et ceux qui peuvent s'en revendiquer. Le pays, qui plus tard donnera naissance au « paysan », se distinguerait donc par des limites, elles-mêmes définies par un groupe social.

Cette notion d'usage ancien a repris de l'importance avec les lois d'orientation sur l'aménagement du territoire de 1995 et 1999, le législateur ayant fait du pays l'une des unités de base de gestion des espaces, notamment ruraux. On rencontre fréquemment ce dernier dans des projets politiques : ceux portés par la Fédération française régionaliste à la fin du xixe siècle, celui du régime pétainiste ou encore la politique d'aménagement du territoire conduite en France après la Seconde Guerre mondiale qui n'a cessé d'utiliser la notion de pays. Le pays intéresse, le pays mobilise. En témoignent les états généraux des pays qui se sont tenus à Mâcon en 1982, dans la continuité du slogan occitan : Volèm viure al païs (« Nous voulons vivre au pays »). Ces pays-là sont ceux qui résultent de la cristallisation de mouvements sociaux, reprenant d'anciens découpages, évoquant eux-mêmes un événement historique. Ils acquièrent une dimension symbolique, dont la signification est moins géographique que culturelle et politique. Ces territoires sont des lieux d'appropriation, d'appartenance, utilisés pour porter à l'extérieur des revendications. L'usage en est à la fois identitaire (le nom devient emblématique, mobilisateur) et publicitaire (il offre une image de marque au lieu). Dès la fin du xixe siècle, la littérature touristique va construire la base de ces pays, même si les appellations changent au fil du temps. À titre d'exemple, le spéléologue Édouard-Alfred Martel va populariser le terme de Causses majeurs (Les Causses majeurs, 1936) après avoir lancé cette idée en 1884 dans un article célèbre sur le grand canyon du Tarn. En 1935, Paul Marres traitera des Grands Causses dans sa thèse d'État de géographie. Quelques décennies plus tard, le Larzac, l'un des quatre Grands Causses, viendra sur le devant de la scène comme symbole d'un lieu de résistance au pouvoir central et, en 1995, un parc naturel régional des Grands Causses verra le jour. Ses limites traduisent une appropriation[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, géographie, université de Montpellier-III-Paul-Valéry, U.M.R. 5045-M.T.E.

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