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STADE NOTION DE

En tenant compte de l'arbitraire qui s'attache à toute tentative de définition d'un concept, dans la mesure où elle opère par réduction à partir des prémisses, il semblerait que la notion de stade présente deux applications bien distinctes autour desquelles se distribuent diverses disciplines intéressées : dans les notions de direction et d'organisation. Si l'on considère, en effet, l'importance du concept de stade chez Kierkegaard, ou bien chez Jean Piaget en psychologie de l'enfant, on y repère à la fois une dimension historique et une dimension structurale, qu'il est souvent bien difficile de distinguer l'une de l'autre.

Dans un rapprochement lexical que la mobilité des frontières entre les sciences biologiques et les sciences humaines justifie maintenant, l'exemple le plus frappant de l'étroite parenté des valeurs chronologique et fonctionnelle qui caractérisent le stade apparaît naturellement dans l'image des couches géologiques, pour lesquelles les fossiles offrent un système de repérage. L'un des premiers observateurs à s'en être servi fut Xénophane de Colophon, qui reconnut ainsi les manifestations de formes disparues. Il fallut ensuite attendre la fin du xviiie siècle avec l'avancement de la stratigraphie, pour s'apercevoir que les différentes couches géologiques correspondaient à des périodes de la formation de l'écorce terrestre et que les empreintes de plantes et d'animaux éteints constituaient « les vraies médailles de la création » (Ernest Haeckel). Mais, alors que ces stades procédaient, pour Cuvier, d'une succession de créations et de catastrophes, ils figurèrent pour Lyell le résultat d'une évolution continue qu'on ne pouvait envisager qu'en l'espace d'une durée quasiment illimitée (Principes de géologie, 1830). Et c'est bien de ce moment capital dans l'histoire de la géologie que la notion de stade acquit sa pleine signification.

Si l'on doit, en effet, à Lyell les qualificatifs d'Éocène, Miocène et Pliocène, on lui doit surtout d'avoir montré que ces termes n'indiquent qu'une prédominance des formations nouvelles, sans que soit marquée une séparation bien nette entre les différentes couches. Et c'est sur la valeur de cet argument que Max Müller dans sa Stratification du langage de 1868 édifie une théorie de l'évolution du langage par couches structurelles et chronologiques ; il s'appuyait sur la classification de Wilhelm von Humboldt en langues isolantes, agglutinatives et flexionnelles, classification dont tout l'intérêt repose justement sur la vection de l'évolution et sur l'influence permanente qu'exercent les époques prétendues révolues sur les époques ultérieures.

Que cette théorie n'ait plus cours dans la discipline linguistique actuelle n'empêche pas qu'elle ait encore son application dans un autre courant de la pensée moderne, comme peuvent en témoigner les analyses de Freud. Celles-ci, comme les études de Piaget, assimilent bien la notion de stade à celle d'une structure d'ensemble, d'un moment d'organisation qui s'appuie sur les moments antérieurs en les intégrant (stades oral, sadique-anal, génital). Mais là où réside leur spécificité par rapport à la psychologie de l'enfant, et où elles rejoignent les conceptions de Max Müller et de Haeckel, c'est dans la re-traduction, au travers des étapes conflictuelles qui jalonnent l'histoire de l'individu, d'une phylogenèse qui est centrée sur la destinée de la horde et dont les traces encore actives interviennent pour caractériser les stades ontogénétiques sous la forme de mythes et de fantasmes : « Dans quelle mesure convient-il de tenir compte de la continuité psychique dans la vie des générations successives[...]

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