NOUVEAU CINÉMA
Dans son imprécision même, l'expression « nouveau cinéma » désigne un phénomène propre aux années 1960-1965, qu'il est difficile d'évaluer globalement. Il s'agit de l'irruption de films venant d'horizons géographiques très différents et n'ayant pour point commun que la jeunesse de leurs auteurs. Ceux-ci se définissaient eux-mêmes, plus ou moins explicitement, comme des « non-cinéastes », témoignant par là d'une nouvelle manière, loin des filières et des circuits traditionnels, d'accéder au statut de réalisateur de films. Le dénominateur commun à tous ces jeunes cinéastes se trouve moins dans le contenu de leurs films que dans ce fait que, de par le monde, en Italie comme au Japon, au Canada comme au Brésil, les nouveaux venus au cinéma se définissent par rapport à ce qui est devenu en soixante ans un patrimoine culturel mondial, un corpus à la portée de tous : le cinéma et son histoire. Ce cinéma nouveau est donc le fait de cinéphiles ; il se réfère volontiers à la « nouvelle vague » française, ses hérauts sont souvent d'anciens critiques. C'est ce qu'exprime un jeune cinéaste brésilien, Gustavo Dahl : « Notre génération de cinéastes est donc la première au monde à avoir été formée exclusivement par le cinéma. » En dehors de cette « cinéphilie », quel point commun entre ces jeunes auteurs ? Contre quel ancien ce « nouveau cinéma » essaie-t-il de se constituer ? On peut distinguer trois types de contextes :
– Celui des pays non seulement producteurs mais aussi exportateurs de films, où le cinéma constitue un art et une industrie. Dans ces pays, en général très industrialisés, le combat du « nouveau cinéma » consiste à s'imposer à l'intérieur du système de production pour l'infléchir. Ce fut le cas de la nouvelle vague française. Cela avait été en 1960 le cas en Angleterre des angry young men du Free Cinema (L. Anderson, K. Reisz, T. Richardson) qui, ayant donné le signal de la lutte contre un cinéma sclérosé, avaient tenté un retour à la tradition des documentaristes anglais. En Italie, trente ans après l'explosion du néo-réalisme, les jeunes cinéastes se font de nouveau l'écho d'un mot d'ordre (thème, espoir, mythe, fantasme ou simple objet de consommation) de changement radical de la société. C'est le cas, au début de leur carrière, des films de B. Bertolucci, de M. Bellocchio, de P. et V. Taviani. Au Japon enfin, à la faveur d'une crise économique qui frappe les grandes compagnies, un jeune cinéma « indépendant » voit le jour et reflète une société traumatisée que sa fuite en avant ne rassure pas. C'est le cas de Ōshima, Hani, Yoshida, Imamura... Les points communs à tous ces cinéastes sont : leur relative inconsistance idéologique que masque plus ou moins un « discours » politique, leur brillant, leurs recherches formelles, leur capacité de s'intégrer au système de production dominant.
Enfin, il ne serait pas juste de faire figurer les États-Unis dans cette liste parce que la différence entre les deux réseaux de production et de distribution (d'une part Hollywood, et de l'autre un cinéma marginal ou underground) est telle qu'elle ne permet guère à un cinéma indépendant (sauf exceptions : S. Clarke, J. Cassavetes, R. Kramer) de se constituer, si ce n'est dans les marges de l'avant-garde (J. Mekas, A. Wahrol, K. Anger).
– Celui de pays producteurs de films, mais où la production est restée limitée. Ils connaissent le recul (comme en Allemagne), la stagnation ou un démarrage difficile propre à tout cinéma national qui doit se constituer contre l'inféodation économique et idéologique aux grandes compagnies internationales, surtout américaines. Dans un tel contexte, se battre pour un nouveau cinéma, c'est rompre avec les conventions et les[...]
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Écrit par
- Jean-Louis COMOLLI : réalisateur et critique de cinéma
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