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NOUVEAU RÉALISME

Naissance officielle du Nouveau Réalisme

En avril 1960, Restany préface le catalogue de l'exposition collective réunissant Arman, Hains, François Dufrêne (autre « décolleur », marquant une prédilection pour l'envers des affiches), Klein, Tinguely et Villeglé, à la galerie Apollinaire de Milan. Ce texte, intitulé « Les Nouveaux Réalistes », est considéré comme le premier manifeste du groupe, proclame l'obsolescence de la peinture de chevalet, et l'éveil, tant en Europe qu'aux États-Unis, d'un « nouveau sens de la nature, de notre nature contemporaine, industrielle, mécanique, publicitaire... Le lieu commun, l'élément de rebut et l'objet de série sont arrachés au néant de la contingence et au règne de l'inerte, l'artiste les a fait siens... »

Pour Restany, « la situation est mûre ». Le 27 octobre, chez Yves Klein, Arman, Dufrêne, Hains, Martial Raysse, Restany, Daniel Spoerri, Tinguely et Villeglé, ainsi qu'« Yves le Monochrome » lui-même, signent la déclaration constitutive du groupe, tout en affirmant leur « singularité collective ». Ils seront bientôt rejoints par César (dont les Compressions de voitures avaient fait scandale au précédent Salon de Mai) et par Mimmo Rotella (le quatrième décolleur d'affiches de la bande) – tous deux absents de la réunion –, puis, en 1961, par Niki de Saint-Phalle (qui réalise depuis 1960 des assemblages et des reliefs en plâtre, peints à la faveur de tirs à la carabine sur des poches remplies de peinture qui s'écoule) ainsi que par Gérard Deschamps (autre « assemblagiste » et accumulateur).

La première exposition collective du groupe est inaugurée, en mai 1961, à la galerie J, gérée par Jeannine Restany. Le texte de la Préface, signé par Restany et intitulé « À 400 au-dessus de Dada », établit une filiation assumée, quoique paradoxale, entre le « mythe de Dada » – « mythe du NON intégral » –, et le Nouveau Réalisme. Désormais, « le geste anti-art de Marcel Duchamp se charge de positivité [...]. Le ready-made n'est plus le comble de la négativité ou de la polémique, mais l'élément de base d'un nouveau répertoire expressif. » Le critique rappelle alors que les « nouveaux réalistes considèrent le monde comme un tableau, le grand œuvre fondamental dont ils s'approprient des fragments dotés d'universelle signifiance. » Le retour du « tableau » dans les propos de Restany semble ici faire écho aux œuvres d'un Spoerri, d'un Arman, d'un Deschamps ou d'un Raysse.

Selon des modalités diverses, ces artistes réorganisent le monde sur des surfaces planes, à partir d'éléments qui en ont été prélevés avec plus ou moins de tact ou de virulence. Spoerri fixe des objets, de préférence déglingués, sur un support, avant de redresser l'ensemble à la verticale. La capture du réel aboutit ici à une re-présentation dont la littéralité et la trivialité n'abolissent pas, au demeurant, les qualités plastiques. Ainsi, ses premiers Tableaux-pièges, exposés au festival d'Art d'avant-garde de Paris en novembre 1960, présentent-ils les reliefs d'un repas dont la décomposition participe encore à la... composition. Les assemblages de sous-vêtements féminins réalisés par Deschamps à la même époque tiennent eux aussi à la fois du relief, du rebut et du tableau, tout comme les assemblages de débris d'instruments de musique résultant des Colères d'Arman. Dans un registre plus léché, Martial Raysse conçoit – également à partir de 1960 – des Étalages illustrant son Hygiène de la vision, à partir d'ustensiles, de jouets et de produits cosmétiques, dont il exploite la séduction acidulée pour évoquer le monde aseptisé des supermarchés et la mise en scène des biens de consommation.

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  • : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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