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NOUVEAU ROMAN. CORRESPONDANCE 1946-1999 (ouvrage collectif) Fiche de lecture

Les éditeurs de Nouveau roman. Correspondance. 1946-1999 (sous la direction de Jean-Yves Tadié, Gallimard, 2021), Carrie Landfried et Olivier Wagner, soulignent le caractère inédit de cette correspondance à sept voix. Au moment d’offrir aux amateurs une nouvelle photo de groupe, épistolaire celle-là, leur choix d’intégrer Claude Mauriac plutôt que Marguerite Duras ou Jean Ricardou, a peut-être été influencé par le célèbre cliché de Mario Dondero (1959) qui montrait, rassemblés autour de Samuel Beckett et Jérôme Lindon, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Claude Mauriac, Robert Pinget, Nathalie Sarraute et Claude Ollier.

Les 243 lettres retenues sont structurées en quatre épisodes de durées très inégales : les origines (1946-1956), le moment nouveau roman (1957-1962), l’éloignement (1963-1971) et la détente (1971-1999). On peut trouver étrange de réduire le « moment nouveau roman » à cinq brèves années, et d’intituler « détente et vieilles amitiés » la période très active des années 1970, marquée tant par des œuvres de premier plan que par l’effervescence des colloques. En revanche, l’un des grands mérites du recueil est de faire remonter les origines à 1946, moment de refondation où il importe de réinventer l’écriture pour reconstruire sur les ruines de l'humanisme.

Un mouvement en formation

Le septuor se réduit d’abord à un duo entre Alain Robbe-Grillet (1922-2008) et Claude Ollier (1922-2014). Bien plus, les quinze premières lettres sont de la main du premier, les réponses ayant disparu. Les deux jeunes gens ont alors vingt-trois ans. Leur amitié est née trois ans plus tôt, lorsqu’ils ont été envoyés en Allemagne par le STO. Ingénieur agronome et fonctionnaire du protectorat français au Maroc, ils sont assez éloignés du milieu littéraire, mais dévorent Sartre, Beckett, Joyce et Roussel. Ce ne sont « pas encore des écrivains, mais deux jeunes gens qui souhaitent passionnément le devenir » et commentent avec un humour potache leurs premiers écrits.

Robert Pinget (1919-1997) entre en scène en 1953 par une lettre où il avoue : « Je n’aime pas le roman. » Robbe-Grillet est le premier du trio à être publié même si Claude Simon et Nathalie Sarraute l’ont déjà été, en 1947 et 1948. Un régicide est refusé par « le Gars Limard » en 1949 mais, en 1953, les éditions de Minuit publient Les Gommes : « On ne doit pas se sentir le même homme, une fois imprimé », commente Ollier, qui ne peut consacrer à l’écriture que des moments volés.

Il faut attendre mars 1957 pour qu’entrent en scène les quatre autres membres du septuor, la doyenne Nathalie Sarraute (1900-1999), Claude Simon (1913-2005), Claude Mauriac (1914-1996) et Michel Butor (1926-2016), le benjamin. Bernard Dort est le premier à employer l’expression « nouveau roman » en 1955 à propos des Gommes. L’étiquette sera reprise en 1958, dans un sens très péjoratif, par Émile Henriot, puis pérennisée et valorisée : le nouveau roman est né.

Passée l’excitation de la découverte, ce volume peut paraître un peu décevant en raison de ses lacunes et déséquilibres. La sélection laisse dans l'ombre certains protagonistes de cette aventure littéraire ‒ Beckett, Duras, Ricardou, voire Roland Barthes – dont les missives seraient précieuses. Quant aux lettres réunies, elles tiennent beaucoup aux contingences des fonds. Manquent par exemple toutes celles reçues par Claude Mauriac, et on regrette que Butor soit aussi peu présent, avec seulement onze lettres. « C’est un septuor qui émerge des archives », affirment les éditeurs ; ce n’est pas tout à fait exact. Les sous-conversations dessinent plutôt un mobile à géométrie variable.

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Écrit par

  • : agrégée de lettres, docteure ès lettres, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France

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