NOUVEAUX POÈMES, William Butler Yeats Fiche de lecture
William Butler Yeats (1865-1939) ne fut pas seulement un grand poète novateur et visionnaire. Il s'engagea en politique, explora l'histoire celte, cofonda l'Abbey Theatre, le théâtre national irlandais. Né à sandymount, dans la banlieue de Dublin, ce fils de peintre n'est guère séduit pas l'école. Il ne le sera pas davantage par Londres où la famille s'installe en 1874 : William ne peut se passer des paysages de Sligo, où il séjourna fréquemment. Vers 1883, il écrit ses premiers vers et fréquente la Société hermétique de Dublin, se passionne pour l'occultisme, le spiritisme. D'abord influencé par Coleridge, Shelley et les préraphaélites, il écrit son premier long poème narratif, Les Errances d'Oisin (1889), inspiré de la mythologie irlandaise. La découvertes des Livres prophétiques (1789-1795) de William Blake bouleverse sa vie ; en 1901, il publie Magie, qui confirme l'importance accordée aux symboles, aux souvenirs appartenant « à la grande mémoire de la Nature elle-même ». Si le symbolisme de Mallarmé l'intéresse, il n'aime pas « l'isolement de l'œuvre d'art ». Le poète ne conçoit rien sans l'Irlande, ni engagement politique ni amitié ; il se lie avec Lady Gregory – grande figure de la renaissance celtique – défend J. M. Synge, favorable au renouveau du théâtre irlandais.
En 1923, le prix Nobel couronne une œuvre mystérieuse qui se veut mémoire et prophétie. Publié à Dublin en 1938, Nouveaux Poèmes est le dernier recueil paru du vivant de l'auteur. La mort le surprend à Roquebrune, en 1939.
Le poète face à l'Histoire
Les trente-cinq textes agencés par l'auteur n'exploitent pas que la veine irlandaise. Ils plongent dans l'Histoire et, avec une rare intensité, remettent en questions les œuvres passées. Révolté contre la vieillesse, le poète considère toujours que l'Histoire est gouvernée par la tragédie, mais il mêle ici ironie, érotisme et use d'une langue souvent populaire pour traduire son sentiment.
L'ordre des poèmes fait alterner des formes très diverses : la ballade, l'épigraphe, la chanson à boire, le poème d'amour, l'imprécation militante. Yeats recourt à des intercesseurs-symboles, toutes époques confondues, il en appelle à Platon, Callimaque, Michel-Ange, Blake, Robert Browning, Spencer et son compatriote Synge, « cet homme enraciné ». Parmi les « choses grandes et belles », il range O'Leary, poète nationaliste irlandais, John Butler, son père, Augusta Gregory, l'amie de toujours, les Olympiens et une jeune démente. Avec infiniment de virulence, il défend Roger Casement « plus qu'un homme illustre » ; ce patriote irlandais condamné à la pendaison, discrédité car « renom et vertu sont en pourriture », est réhabilité par Yeats qui exalte son héroïsme : « Je dis que Roger Casement/ N'a jamais fait que son devoir./ Il est mort pendu au gibet./ Mais ce n'est là rien de nouveau. » Yeats célèbre tout autant O'Rahilly, « homme à demi légendaire », dont le portrait se confond avec l'histoire de l'Irlande : « Ma gloire fut d'avoir eu de tels amis. » Les vers de combat suivent les poèmes inspirés d'une œuvre, tels « Les Trois Buissons », tiré de Brantôme, tandis que le Chinois de « lapis-lazuli » rappelle celui de Mallarmé, « qui de l'extase pure est de peindre la fin ».
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Écrit par
- Claude-Henry du BORD
: professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à
Études , poète et traducteur
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