NOUVELLE
Depuis les nouvelles de la Renaissance, on ne fait que parler des renaissances de la nouvelle : au xixe, au xxe siècle. Comme si ce genre périodiquement périclitait, ou décédait. Mais l'âge classique pourrait bien se définir : celui, notamment, de la nouvelle. Et dans la Chine des Song, des Ming, des Mandchous, la nouvelle, indiscernable du conte, ne cesse de prospérer. Témoin Pu Songling, ses Contes extraordinaires du pavillon du loisir, qui, malgré leur titre, s'appelleraient aussi bien des nouvelles extraordinaires, selon notre terminologie.
Au fait, cette terminologie, que vaut-elle ? Novella, tale, novela, histoire, monogatari, rasskaz, yarn, Erzählung, short short, novelette, Kurzgeschichte, tjerpén, kahānī, voilà quelques-uns des mots dont on désigne les variantes d'un genre littéraire que, depuis le Moyen Âge, on appelle en français d'oïl la nouvelle et unas novas, au pluriel, en français d'oc. Non sans flottement : La Fontaine et Musset hésitent entre conte et nouvelle ; Flaubert rassemble, dans Trois Contes, une légende, un conte et l'histoire d'Un cœur simple, simple nouvelle. Le préfacier d'une Anthologie de contes chinois commente les « nouvelles » de ce recueil. Et l'écrivain japonais Fukazawa Shichirō a beau intituler ironiquement son chef-d'œuvre : Étude à propos des chansons de Narayama, le traducteur français ne s'y trompe nullement et célèbre « l'auteur de la nouvelle ». Périphrase instructive : si le russe dit novellist (sur novella) et l'italien noveliere, le français moderne a perdu son vieux mot novelier et jusqu'au moins vieux nouvelliste (encore qu'on aie vu récemment reparaître « novelliste »), de sorte que la notion de nouvelle pâtit de n'être pas liée à son auteur comme au romancier le roman, au conte le conteur. Quant aux ficciones de Borges, quant aux récits de Gide, qui tenait pourtant à ce mot, ne seraient-ce pas des nouvelles ? Pour comble, on parle de longish tale, de long story, de long short story, de short novel, etc. Tout cela, afin de distinguer du roman proprement dit quelques variantes de la nouvelle : l'histoire longuette, la longue histoire, la longue nouvelle, le bref roman. Ajoutons que le japonais monogatari confond tous ces mots en un seul. Un traducteur de la Geschichte vom braven Kasperl und dem schönen Annerl, de Clemens Brentano, se demande si c'est là Erzählung, roman ou Märchen, pour conclure que ça répond à la définition reçue depuis Goethe de la nouvelle : « unerhörte Begebenheit » (un événement inouï), laquelle recoupe la définition des nouvelles du Konjaku monogatari shū par Nagano Jōichi : « odoroki no bungaku » (littérature d'étonnement). Comment ne pas ranger sous cette rubrique mainte historiette de Tallemant, les Chroniques italiennes de Stendhal, mais aussi la snoavâ de Roumanie, les mahbarot des lettres hébraïques médiévales et les maqāmāt, séances qu'on a pu et dû rapprocher des nouvelles espagnoles de type picaresque ?
Problématique de la nouvelle
Naissance d'une notion
Les dictionnaires nous seront-ils de quelque secours ? Pour Littré, la nouvelle serait une « sorte de roman très court » ; mais nos Cent Nouvelles nouvelles lui deviennent « contes fort libres » ! Au dictionnaire de l'Académie royale espagnole, la nouvelle sera une « œuvre littéraire où l'on narre une action entièrement ou partiellement imaginée, dont la fin est de causer au lecteur un plaisir esthétique en décrivant ou dépeignant des événements ou des actions intéressants ainsi que des caractères, des passions, des mœurs » ; ce qui définit aussi bien, aussi mal, le Quichotte que les Nouvelles exemplaires.
À l'expérience, nous n'obtenons guère mieux des dictionnaires de termes littéraires.
N'espérons même plus que les centaines de livres[...]
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Écrit par
- ETIEMBLE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV
- Antonia FONYI : chargée de recherche au C.N.R.S.
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