NOUVELLE-CALÉDONIE
Les enjeux socio-spatiaux actuels
De tout l’outre-mer français, la Nouvelle-Calédonie est le territoire où la domination de la ville principale est la plus forte, puisque l’agglomération de Nouméa, appelée « Grand Nouméa », concentre un peu plus des deux tiers de la population néo-calédonienne, contre un tiers en 1956, si l’on considère que les quatre communes qui la composent (Nouméa, Païta, Mont-Dore et Dumbéa) en font intégralement partie. On l’oppose communément à la « brousse », qui désigne l’ensemble de la Grande Terre à l’exclusion de la capitale, et aux îles, dont la composition de la population est très différente.
Le fossé qui sépare les Européens, enracinés depuis plusieurs générations et appelés « Caldoches » ou récemment installés, et les Océaniens (Kanak, Wallisiens, Futuniens, Tahitiens, Vanuatais) en termes de niveau de formation ou d’emplois occupés ne se comble pas. Ainsi, en 2014, seuls 4 % des Kanak avaient un diplôme universitaire pour 26 % des non-Kanak, contre respectivement 0,2 % et 6 % en 1989. Un tiers des Kanak sont encore sans diplôme contre un septième des non-Kanak. La part des ouvriers dans la population active occupée dépasse le tiers chez les Kanak, les Wallisiens et les Futuniens contre un dixième chez les Européens en 2014.
Les squats dans le Grand Nouméa symbolisent ces inégalités. Si les Kanak ne se ruèrent pas à Nouméa à la fin de l’indigénat, ils furent sensiblement plus nombreux à s'y installer au cours des années 1960, travaillant comme dockers, manutentionnaires, ou encore ouvriers à l’usine métallurgique de Doniambo. Aujourd’hui, deux Kanak sur cinq vivent dans l’agglomération nouméenne contre un sur dix en 1956. L’urbanisation de cette communauté est un facteur qui déstabilise sa jeunesse, car elle n’est plus encadrée par le clan. La dégradation de la transmission intergénérationnelle de la langue d’origine est source de souffrance identitaire, sans pour autant favoriser l’apprentissage du français. En état d’insécurité linguistique, dans un système éducatif qui repose presque totalement sur le français, les jeunes sont souvent en situation d’échec scolaire. La très grande majorité des détenus dans la seule prison de la Nouvelle-Calédonie (Camp-Est) sont des Kanak, souvent jeunes, ayant sombré dans l’alcool, le cannabis et la petite délinquance. Cette sur-représentation apparaît aussi en matière d’infections sexuellement transmissibles et de grossesses non désirées alors que les responsables et les victimes des accidents de la route sont massivement océaniennes.
À l’échelle communale, on peut observer le clivage entre l’espace tribal et le reste du territoire, avec des tribus généralement à distance du chef-lieu et parfois en situation d’enclavement aigu. Créées à l’époque coloniale, elles regroupaient, en 2014, plus de la moitié des Kanak et 22 % de la population totale. Ainsi un maillage spécifique se superpose au maillage administratif classique. Il découle de l’article 75 de la Constitution qui reconnaît que certains citoyens de la République se placent sous un statut personnel différent du statut civil de droit commun. La très grande majorité des Kanak relève de ce statut qui leur permet d’être régis par la coutume dans les domaines de l’état civil, la filiation, le mariage, la propriété et les successions. L’accord de Nouméa a ainsi créé une institution majeure de la Nouvelle-Calédonie, le Sénat coutumier, obligatoirement consulté sur les questions intéressant l’identité kanak. Sur le plan foncier, les « terres coutumières » sont régies par le « principe des quatre i » (inaliénables, insaisissables, incommutables et incessibles) : elles ne peuvent changer de propriétaires sous aucun motif, que ce soit volontairement (vente, échange, donation…) ou de force (saisie, prescription…). Ces terres collectives[...]
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Écrit par
- Jean-Christophe GAY : agrégé de géographie, professeur des Universités, université Côte d'Azur
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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