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NOUVELLE ÉCOLE CLASSIQUE (NEC), économie

Vers un nouveau modèle d'analyse des fluctuations économiques

Au-delà d'un renouvellement des principes de l'intervention publique, la N.E.C. va proposer un cadre d'analyse théorique et quantitatif du cycle économique radicalement différent de celui des keynésiens. Dans le modèle néo-classique de croissance, Finn Kydland et Edward Prescott suggèrent d'analyser le cycle et la croissance dans un cadre unifié. Ce sont alors les innovations technologiques, en déplaçant transitoirement les capacités de production, qui expliquent la dynamique de court terme de l'activité. La N.E.C. propose un nouveau protocole pour tester cette théorie du cycle économique. Ces travaux empiriques permettront de montrer que, grâce à ce cadre d’analyse, on peut expliquer ainsi jusqu'à 70 p. 100 des fluctuations de la production des États-Unis.

Cette macroéconomie sans monnaie et sans chômage apparaît aux antipodes d'une macroéconomie keynésienne, peuplée d’agent naïfs aux anticipations « non systémiques » et victimes du chômage « involontaire ». Pour la N.E.C., les fluctuations de l’ensemble des agrégats économiques (production, heures travaillées...) traduisent les réponses optimales d'agents économiques soumis à un environnement où la technologie de production change au rythme des innovations technologiques des entreprises.

Bien entendu, depuis 1982, de nombreux travaux de la N.E.C. ont contribué au développement de la théorie et au débat économique.

La notion de chômage d’équilibre est une des avancées théoriques majeures de ces dernières années. Prenant sa source dans les travaux de John McCall et ceux de Robert Lucas et Edward Prescott, la N.E.C. appréhende le chômage comme un phénomène d’équilibre où des agents rationnels, travailleurs ou entreprises, choisissent de sélectionner ou non une offre d’emploi ou un travailleur durant leurs périodes de « recherche ». En intégrant une théorie du contrat de salaire à ce processus de recherche, les travaux de Peter Diamond, Dale Mortensen et Christopher Pissarides ont finalisé cette théorie où le chômage est un phénomène d’équilibre.

Comment alors expliquer que le taux de chômage était, en 1950, de 2 points plus faible en Europe qu’aux États-Unis, alors qu’il est en moyenne de 4 points plus élevé depuis 2000 ? Lars Ljungqvist et Thomas Sargent expliquent que, dans un monde où les compétences ne se déprécient pas vite, un marché du travail « protecteur » (coûts de licenciement et fortes allocations chômage) peut conduire à moins de chômage qu’un marché plus flexible (contraste entre l’Europe et les États-Unis avant les années 1970). En revanche, lorsque les nombreuses innovations de la fin des années 1970 ont accéléré l’obsolescence des compétences, les protections sont devenues la cause des faibles taux de reprise d’emploi, et donc de la persistance d’un niveau plus élevé de chômage en Europe. Mais ces écarts de chômage contribuent faiblement aux écarts d’heures travaillées. Alors, pourquoi, tandis qu’en 1950 un employé travaillait 200 heures de plus par an en France qu’aux États-Unis, il travaille aujourd’hui 450-heures de moins que l’Américain ? Edward Prescott ou Richard Rogerson expliquent ces tendances longues par la croissance continue de la taille d’un État, financé par des impôts sur le travail : dans un monde de hausse constante de la fiscalité, il était préférable de travailler « plus » quand les taxes étaient les plus faibles et de « déserter » le travail quand elles devenaient fortes.

Sur le plan théorique comme dans le débat, l’influence de la N.E.C. apparaît donc déterminante.

— François LANGOT

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Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université du Maine

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Robert Lucas - crédits : Ralf-Finn Hestoft/ Corbis/ Getty Images

Robert Lucas

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