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NOUVELLE RHÉTORIQUE, droit

Une nouvelle logique juridique

Perelman, entouré de plusieurs philosophes du droit, mais surtout des plus grands juristes de son temps, se lance ainsi dans l'étude de la logique juridique, dont il va complètement renouveler les bases. Depuis les Lumières, la pensée moderne s'était attachée à réduire l'activité du juge à une simple mission d'exécution de la loi et le jugement à un acte de pure logique déductive, par lequel le juge applique mécaniquement le sens clair de la loi aux faits de la cause. La nouvelle rhétorique montre que ce « syllogisme judiciaire » (qui est en réalité lui-même une figure de rhétorique, l'enthymème) occulte, plus qu'il ne décrit, le raisonnement du magistrat. Celui-ci se construit pour l'essentiel en amont, dans la formulation des prémisses, lorsqu'il s'agit d'interpréter la loi et de qualifier les faits. C'est là que surgissent immanquablement les controverses qui nourrissent les procès dont le juge doit décider l'issue. Tout jugement implique donc un choix entre plusieurs options de la solution juste.

Pour la nouvelle rhétorique, la jurisprudence deviendra, plus qu'un terrain privilégié d'investigation, un véritable modèle de pensée, que Perelman invite d'ailleurs les philosophes à substituer au paradigme mathématique qui les a tant fascinés depuis Platon. Perelman s'intéresse non pas tant au procès et aux plaidoiries des avocats (comme les traités rhétoriques de l'Antiquité), qu'au juge qui doit non seulement prendre une décision, mais motiver celle-ci, c'est-à-dire convaincre qu'elle est juste, en justifiant publiquement des bonnes raisons qui la sous-tendent. Ces bonnes raisons ne se limitent pas à l'exécution pure et simple de la volonté législative. Elles impliquent aussi nécessairement la prise en compte des valeurs supérieures, en particulier des principes généraux du droit (que la nouvelle rhétorique contribue à intégrer au droit contemporain), mais aussi des circonstances propres à la cause, pour tendre, dans chaque cas, vers la solution la plus juste. La nouvelle rhétorique dresse ainsi un portrait du juge dans lequel les magistrats contemporains se reconnaîtront largement.

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Écrit par

  • : docteur en droit, directeur du Centre de philosophie du droit de l'Université libre de Bruxelles

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