NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE
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Du développement économique aux enjeux politiques et géopolitiques
À côté des enjeux économiques, ce vaste plan de développement des infrastructures doit aussi être considéré dans sa dimension politique et géopolitique.
Les enjeux de politique intérieure
Le développement des liaisons ferroviaires et routières entre la Chine et ses voisins permet à Pékin de développer et d’intégrer ses provinces les plus lointaines (Tibet, Yunnan, Xinjiang notamment) pour en faire des plateformes, des points de contact entre la République populaire et le reste du continent eurasiatique. Aux intérêts économiques et stratégiques se greffent dès lors des enjeux de politique intérieure. Car les Nouvelles Routes de la soie ont aussi pour intérêt de permettre à Pékind’assurer l’intégrité de son territoire. La province autonome du Xinjiang par exemple, très riche en matières premières et au carrefour des routes d’hydrocarbures, est régulièrement en proie à des troubles entre la population ouïghoure et le gouvernement chinois. Pékin souhaite que l’aide au développement des pays limitrophes que sont l'Afghanistan, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizstan permette de réduire l’instabilité aux frontières et à l’intérieur du pays. Les échelles géographiques se superposent et se croisent, et les enjeux s’imbriquent : l’interventionnisme chinois cible non seulement son territoire national mais également son voisinage proche à des fins de développement, de rayonnement et de stabilisation.
Bien avant la Belt and Road Initiative, l’interventionnisme de Pékin a pu se lire dans la politique du Go West menée à partir du début des années 2000. À l’instar du programme BRI, cette politique a eu pour ambition de désenclaver et de dynamiser les provinces de Chine occidentale, majoritairement rurales, en s'appuyant sur de nouvelles infrastructures et sur des métropoles à fort rayonnement. Alors que le revenu par habitant est le plus élevé du pays à Shanghai, suivi par Pékin et le Zhejiang, le gouvernement chinois a tenté d'apporter son soutien à ces provinces de l’Ouest encore loin derrière la Chine littorale en termes de développement. C’est notamment le cas de la municipalité autonome de Chongqing, que le gouvernement central a souhaité voir concurrencer Shanghai et devenir le centre financier, industriel et commercial de la Chine intérieure. Avec les Nouvelles Routes de la soie, la politique chinoise du Go West a désormais aussi pour objectif de faire de ces métropoles des relais stratégiques vers l’Asie centrale. Chongqing, par exemple, dispose, en plus d’importantes ressources naturelles, d’une position stratégique sur la route du Tibet et de l’Asie centrale. Cette situation géographique propice a fait d’elle l’un des centres névralgiques du volet ferroviaire du programme BRI. La ligne Yuxinou, un pont ferroviaire intercontinental reliant la municipalité autonome et la ville industrielle de Duisbourg (Allemagne), a été inaugurée en mars 2014. Son parcours passe entre autres par le Sichuan et le Xinjiang avant de desservir Astana (Kazakhstan) et Moscou (Russie). Elle se classe en tête parmi l’ensemble des lignes de fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe, dont le développement est rapide (+ 65 p. 100 par an entre 2013 et 2016).
Un positionnement géopolitique : le développement des relations Sud-Sud
Dans ce cadre, le développement des Nouvelles Routes de la soie implique un changement de paradigme qui passe par la promotion de la coopération Sud-Sud, aux dépens des relations asymétriques Nord-Sud. La volonté initiale de Pékin de construire des infrastructures de transport en Eurasie engendre une transformation des économies des pays participants, notamment le développement de l’Asie centrale. Situées entre l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient, ces anciennes républiques socialistes soviétiques, devenues indépendantes[...]
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Écrit par
- Nashidil ROUIAÏ : docteure en géopolitique et géographie culturelle
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