NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE
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Les Nouvelles Routes de la soie en question
Si les Nouvelles Routes de la soie sont porteuses d’opportunités pour les pays qui s’en sont fait les partenaires, elles suscitent aussi des doutes et des interrogations.
Pékin et la « diplomatie de la dette »
La première réside dans la crainte de l’expansionnisme chinois. Dans le cas où la Chine se retrouverait à la fois propriétaire des infrastructures des pays partenaires et maîtresse des flux qui y circulent, le risque de dépendance serait réel. Dès lors, le danger principal pour les pays acceptant l’aide chinoise est l’endettement à son égard : lorsque la Chine octroie un prêt aux pays partenaires afin qu’ils développent les infrastructures éligibles à la Belt and Road Initiative, ils s’engagent, dans le cas où ils ne pourraient pas rembourser leurs emprunts, à céder le contrôle de ces infrastructures à la République populaire. C’est ce qui est arrivé au Sri Lanka en 2017. Le pays a emprunté, dans les années 2000, plus d'un milliard de dollars à la Chine pour construire un port stratégique en eau profonde dans la ville méridionale d’Hambantota, mais n'a pas pu rembourser le prêt. Désormais, le port est contrôlé par Pékin qui dispose d’un bail de 99 ans. Ce spectre pèse sur plusieurs États d’Asie centrale alors que la Chine possédait déjà 51,1 p. 100 de la dette du Tadjikistan en 2016 et 45,3 p. 100 de la dette du Kirghizstan en 2019. Conscients de ce risque et pour l’éviter, des États partenaires se sont déjà rétractés de plusieurs projets. En août 2018, trois mois après son accession au pouvoir, le Premier ministre malaisien Mahathir Mohammad a annulé trois investissements chinois d’une valeur totale de 22 milliards de dollars, mettant dans le même temps son voisin philippin en garde contre le piège de la « diplomatie chinoise de la dette ».
Des projets à risque ?
D’autres critiques portent sur la nature des projets financés ou impulsés par la Chine à travers les Nouvelles Routes de la soie. L'Afrique du Sud s'est tournée vers la République populaire pour le financement à hauteur de 4 milliards de dollars de deux centrales à charbon. Pour sortir de la crise énergétique due à sa dépendance à l’hydroélectricité, le Zimbabwe voisin s’est lancé dans la construction de quatre centrales à charbon grâce à 2 milliards de dollars de prêts chinois. En Côte d’Ivoire, au Ghana et au Kenya, Pékin finance et construit la totalité des centrales thermiques. Elles font partie des soixante-trois centrales de ce type financées par la République populaire dans le monde, qui polluent collectivement plus qu’un pays comme l'Espagne. Ces investissements sont loin de concerner la seule Afrique subsaharienne. Alors que la Chine est le principal créancier des pays latino-américains, 88 p. 100 des prêts qu’elle octroie aux pays d’Amérique latine et des Caraïbes concernent des projets d'énergie et d'infrastructures. D’importants barrages et centrales hydroélectriques sont bâtis par des entreprises chinoises dans la forêt amazonienne et en Patagonie, et des milliers de kilomètres de voies ferrées sont en construction au Brésil, au Pérou et au Venezuela. Accueillis favorablement par les acteurs économiques de la région, ces projets font face aux critiques des populations locales et des associations environnementales.
La présence chinoise en Amérique latine passe aussi par la technologie. En Bolivie, l’entreprise Huawei fournit ses services de télécommunication à des millions d'utilisateurs et ZTE a été désigné comme le fournisseur exclusif du réseau haut débit du pays. En Équateur, un système de surveillance des espaces publics développé par la Chine a été mis en place : des images filmées dans tout le pays par 4 300 caméras sont traitées dans seize centres de surveillance par trois mille policiers[...]
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Écrit par
- Nashidil ROUIAÏ : docteure en géopolitique et géographie culturelle
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