NOYAUX DÉFORMÉS, physique nucléaire
On sait que la plupart des noyaux atomiques ont une forme sphérique ou ellipsoïdale, mais des formes plus étonnantes ne sont pas exclues par la nature des interactions qui lient les protons et les neutrons. La récente mise en évidence de noyaux en forme de poire démontre la complexité des phénomènes physiques responsables de la structure nucléaire. L'expérience réalisée au Cern de Genève par l'équipe du physicien britannique Peter Butler et de ses cinquante collaborateurs européens ou américains utilise un instrument complexe, le séparateur d'isotopes Isolde (pour isotope separator on-line device), qui trie les noyaux produits par la collision sur une cible de carbure d'uranium d'un faisceau de protons de moyenne énergie (2 milliards d'électronvolts environ). Isolde est complété par un système accélérateur qui accroît l'énergie de ces noyaux et les précipite sur de fines feuilles de métal, ce qui a pour conséquence de les exciter. Ces noyaux instables sont alors guidés vers le détecteur de particules et de rayons gamma Mini-ball, un ensemble de cristaux de germanium équipé d'une électronique sophistiquée, qui analyse leurs désintégrations en vol. L'étude de la direction des rayons gamma provenant des produits de ces désintégrations permet de déduire la forme des noyaux radioactifs. Si la plupart d'entre eux paraissent sphériques ou ellipsoïdaux, les isotopes 220 et 224 du radon sont clairement déformés de façon très asymétrique et ressemblent d'avantage à une poire qu'à une sphère ou à un ballon de rugby. En termes mathématiques, ils présentent une déformation octupolaire. Outre son intérêt pour la compréhension des forces liant protons et neutrons dans les noyaux, cette découverte est importante car elle pourrait être exploitée pour chercher la trace de nouvelles interactions fondamentales entre particules. En effet, les noyaux en forme de poire sont considérés par les théoriciens comme des modèles très précis pour la mesure éventuelle d'un moment électrique dipolaire atomique non nul.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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