NUCLÉAIRE (PHYSIQUE) Faisceaux d'ions lourds
Les faisceaux d'ions de numéro atomique Z supérieur à 3 (du lithium à l'uranium) constituent des sondes particulièrement intéressantes de la matière nucléaire. Les techniques de préparation de sources ionisées et d'accélération des faisceaux ont permis de fournir aux physiciens les moyens de sonder les multiples formes d'existence du noyau atomique et d'investiguer les mécanismes des diverses réactions de fission, de fusion ou de fragmentation. Le développement récent des faisceaux exotiques ouvre un nouveau chapitre de la recherche expérimentale. L'accélération à très haute énergie des faisceaux d'ions lourds permet de sonder l'équation d'état de la matière nucléaire et d'accéder à des phases nouvelles comme le plasma de quarks et de gluons déconfinés.
Les faisceaux d'ions lourds classiques
Pendant longtemps, les projectiles utilisés pour tenter d'explorer la structure des noyaux atomiques ont été soit les particules α (noyaux d'hélium He++) émises par radioactivité naturelle de sources de radium, de polonium, etc., soit les atomes d'hydrogène ayant perdu leur électron (protons H+) accélérés dans un champ électrique, soit les électrons également portés à grande vitesse. On a ensuite fabriqué des ions de deutérium et de tritium. Entre 1950 et 1960, l'idée est venue de mettre dans les sources d'ions des molécules gazeuses de lithium, d'azote, d'oxygène, de carbone, et d'accélérer ensuite les ions positifs créés après la perte par les atomes d'un ou de plusieurs électrons. Actuellement, on produit pratiquement les ions de tous les éléments, du lithium (Z = 3) à l'uranium (Z = 92). Ce sont tous ces ions autres que H+ et He++ que l'on appelle ions lourds. Avec les protons, on bombardait les noyaux d'une cible à l'aide de projectiles eux-mêmes constituants de ces noyaux (nucléons), alors qu'avec les faisceaux d'ions lourds on projette un ensemble de nucléons sur un autre ensemble de nucléons.
Mais pour que des ions krypton pénètrent dans les noyaux les plus lourds, ceux d'uranium par exemple, il faut leur fournir une énergie d'environ 500 millions d'électron volts (MeV). Si les ions krypton étaient des atomes totalement épluchés de leurs électrons, leur charge serait alors 36, et une tension de 500/36 mégavolts (MV) suffirait, ce qui fait encore environ 14 millions de volts. On conçoit que la meilleure solution serait de produire des ions les plus épluchés possibles. On a donc essayé d'obtenir un taux d' ionisation élevé en imaginant des sources d'ions différentes des anciennes sources à décharger des premiers cyclotrons. Elles ont été inventées à Grenoble, à la fin des années 1970, et ont été adoptées en quelques années sur tous les grands accélérateurs. Appelées E.R.C. (électrons en résonance cyclotronique), ces sources sont constituées de deux petites cavités dans lesquelles les atomes gazeux à ioniser sont « chauffés » par des micro-ondes. Dans la première enceinte, à une pression de 100 pascals, l'énergie fournie par les micro-ondes crée un plasma d'ions positifs (une fois chargés) et d'électrons. Ce plasma est confiné par un champ magnétique axial et conduit vers la seconde enceinte. Dans celle-ci, la pression est beaucoup plus basse (0,01 P) et un champ magnétique hélicoïdal très puissant, dû à des aimants permanents au dysprosium, assure le confinement du plasma très peu dense. Dans ce vide, les électrons tournent sur une trajectoire hélicoïdale avec une fréquence de rotation proportionnelle au champ magnétique. Avec les intensités de champ que l'on sait produire, on atteint une fréquence supérieure à 10 mégahertz. Un klystron produit des micro-ondes ayant la même fréquence. Ces ondes, entrant en résonance avec les électrons, leur transfèrent de l'énergie à chaque rotation. Ils atteignent de 20 à 30 kiloélectronvolts (keV).[...]
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Écrit par
- Marc LEFORT : professeur émérite
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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